Lors de la composition de son gouvernement, nous avions invité le Premier ministre, dans une tribune au Monde, à recourir à l’article 49, alinéa 1, de la Constitution. Cet appel, formulé au moment de la nomination, n’a pas été suivi en janvier. La question se pose aujourd’hui : la démarche est-elle engagée en septembre ?
Ce que prévoit l’article 49.1
L’article 49, alinéa 1, permet au gouvernement d’obtenir la « confiance » de l’Assemblée nationale sans procédure de vote formelle sur chaque texte. Concrètement, il confère au gouvernement la légitimité d’exposer son programme et d’attendre de la majorité parlementaire qu’elle soutienne, de bonne foi, les mesures qui en découlent.
Sous la Ve République, ce vote de confiance n’est toutefois pas une obligation systématique. L’architecture institutionnelle actuelle a fait du recours à 49.1 un choix tactique : le gouvernement peut s’abstenir de demander explicitement la confiance et laisser au Parlement la charge de la lui retirer, le cas échéant, par une motion de censure.
La différence de protection est au cœur de ce calcul. Une demande de confiance est adoptée ou rejetée à la majorité des suffrages exprimés. À l’inverse, une motion de censure ne peut aboutir que si elle réunit la majorité absolue des membres de l’Assemblée. Pour cette raison, les Premiers ministres sollicitent généralement la confiance uniquement quand ils sont raisonnablement certains de l’obtenir — l’article évoquait « deux exceptions », sans les développer davantage.
Soutien négociable et légitimité politique
Le recours projeté à l’article 49.1, quelques jours après la nomination de François Bayrou, visait à redéfinir la relation entre l’exécutif et le Parlement. L’objectif affiché était d’apporter une légitimité renouvelée, au sein de la Ve République, à un gouvernement dépourvu d’une majorité parlementaire classique.
L’idée était d’ancrer l’action publique dans des compromis négociés, plutôt que dans des majorités formelles, et de libérer ces compromis des exigences des extrêmes que l’on serait alors tenu de concilier. Cette méthode suppose une responsabilisation des forces politiques associées, formalisée autour d’un « contrat de législature » : une obligation morale et politique de suivi des accords passés, entretenue par des contacts réguliers entre les partenaires, même en l’absence d’une solidarité gouvernementale stricte.
La procédure aurait ainsi substitué à la logique binaire majorité/opposition une logique de soutien négocié, plus flexible mais aussi plus fragile, fondée sur des engagements et sur la confiance réciproque des partis impliqués.
La posture actuelle du gouvernement
Est-ce là la stratégie mise en œuvre en septembre ? Selon les déclarations du Premier ministre, non. Comme il l’a lui‑même confié : « “confiance” n’est pas le bon mot ». Cette formule suggère un positionnement différent de celui d’une demande solennelle de confiance au sens constitutionnel strict.
Au-delà du langage, le choix de ne pas activer formellement 49.1 tient à des considérations politiques évidentes : solliciter un vote clair expose le gouvernement à un risque immédiat si la majorité des suffrages exprimés se prononce contre. Ne pas le faire transfère, en sens inverse, la charge d’action aux responsables parlementaires qui souhaiteraient provoquer une rupture par une motion de censure.
Cette latitude confère au régime une flexibilité notable. Elle permet aux exécutifs d’explorer des arrangements parlementaires sans engager, d’emblée, la responsabilité pleine et entière devant l’Assemblée. Mais elle pose aussi la question de la transparence politique : les compromis négociés restent‑ils lisibles et vérifiables pour l’opinion publique ?
En l’état, le gouvernement semble privilégier un soutien « négociable » plutôt qu’une validation solennelle. Reste à voir si ce positionnement suffira à stabiliser l’action publique et à donner une assise politique durable aux décisions gouvernementales.