Le vote de confiance prévu lundi 8 septembre à l’Assemblée nationale, demandé par François Bayrou, ouvre une séquence politique incertaine dont l’issue la plus plausible semble être la démission contrainte du Premier ministre. Face à cette perspective, la question revient : la dissolution de l’Assemblée nationale permettrait‑t‑elle de sortir de la crise ?
Contexte immédiat et enjeux politiques
La convocation d’un vote de confiance place l’exécutif dans une position délicate. Si le gouvernement ne recueille pas le soutien attendu, la Constitution prévoit la possibilité d’une démission du Premier ministre ou, en dernier recours, la dissolution de l’Assemblée par le président de la République. La décision de dissoudre ne serait pas neutre : elle entraînerait des élections législatives qui, selon le mode de scrutin en vigueur, peuvent produire des résultats très différents.
Dans le système actuel, fondé sur le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, les effets sont connus et récurrents : il favorise l’émergence de majorités nettes et, dans de nombreux cas, la consolidation d’un pouvoir stable après le second tour. Mais ce fonctionnement repose sur une architecture politique qui a évolué profondément depuis les décennies qui ont suivi les années 1970.
Scénarios possibles si l’Assemblée est dissoute
Si des élections législatives étaient organisées sans modification préalable du mode de scrutin, plusieurs issues restent possibles. Une hypothèse favorable pour l’exécutif consisterait en une reconduction d’un équilibre proche de l’impasse actuelle : cela supposerait, d’une part, une union réelle de la gauche ; d’autre part, la mise en place d’un « front républicain » pour faire barrage au Rassemblement national (RN) ; enfin, une forte mobilisation des électeurs hostiles à l’extrême droite. Ces conditions réunies, le système majoritaire peut parfois produire des marges suffisantes pour éviter une majorité nette du RN.
À l’inverse, et selon l’analyse répandue des mécanismes électoraux, si ces conditions ne sont pas réunies, le risque existe d’une majorité parlementaire acquise au RN. Cette possibilité découle du mode de scrutin lui‑même, qui peut traduire une progression électorale concentrée en sièges et aboutir à une majorité absolue, même lorsque les voix exprimées au plan national restent divisées.
Pourquoi le mode de scrutin change la donne
Le mode de scrutin n’est pas une règle technique parmi d’autres : il façonne les stratégies politiques, les alliances possibles et le style de gouvernement. Le scrutin majoritaire tend à favoriser des logiques binaires et à marginaliser les forces dispersées. Il privilégie les grands blocs structurants et rend, par construction, certaines coalitions difficiles à former avant le scrutin.
Historiquement, ce système a permis, à partir des années 1970, la consolidation d’un « fait majoritaire » : deux blocs dominants se sont alternés au pouvoir, donnant l’impression d’une stabilité durable. Ce cadre s’est effrité au fil des transformations sociopolitiques : fragmentation de l’offre politique, affaiblissement des partis traditionnels, montée de formations populistes à gauche et à droite, et l’apparition d’autres dynamiques comme le macronisme.
Dans ce nouveau paysage, le scrutin majoritaire montre ses limites. Il peine à traduire une carte politique fragmentée en majorités parlementaires stables et rend la construction de coalitions gouvernementales plus aléatoire. Autrement dit, dissoudre l’Assemblée sans toucher au mode de scrutin risque de reproduire, voire d’aggraver, les tensions actuelles plutôt que d’en offrir une solution durable.
Changer de règle électorale, en revanche, modifierait les incitations pour les partis et les électeurs. Un mode proportionnel ou mixte favoriserait des représentations plus fidèles des forces politiques et encouragerait la négociation d’alliances après le scrutin. Mais une telle réforme exige du temps politique, un large débat public et, selon les cas, des adaptations constitutionnelles ou législatives.
Au cœur de la décision qui s’ouvre — maintien du gouvernement, démission, ou dissolution suivie d’élections — pèsent donc des enjeux structurels. Dissoudre l’Assemblée peut offrir une voie de sortie à court terme, mais son efficacité dépendra étroitement du cadre électoral retenu et de la capacité des acteurs politiques à forger des alliances dans un paysage fragmenté.
La période qui suit le vote de confiance sera déterminante pour mesurer si l’exécutif et les forces politiques acceptent d’engager une réflexion sur les règles du jeu, ou s’ils choisissent le maintien des règles actuelles, avec les risques de recomposition profonde qu’elles comportent.