Lors d’une conférence de presse tenue le 29 août, François Bayrou a alerté sur le risque que représentent, selon lui, des marchés financiers hostiles si les finances publiques françaises n’étaient pas rapidement assainies. « C’est notre liberté qui est en jeu, notre souveraineté, notre indépendance. [Etre] dépendants financièrement, c’est comme être soumis militairement », a-t-il déclaré, en faisant implicitement référence au fait qu’une part importante de la dette publique française est détenue par des créanciers étrangers.
Une crainte articulée autour de la dépendance financière
La formulation de François Bayrou met en avant une inquiétude stratégique : la dépendance financière pourrait, selon cette logique, limiter la marge de manœuvre politique de la France. Le propos relie directement la propriété de la dette à la souveraineté, en faisant valoir que des créanciers extérieurs puissants pourraient peser sur les décisions économiques et budgétaires.
Cette perspective n’est pas nouvelle dans le débat public. Elle repose sur une hypothèse simple : si les financeurs de l’État peuvent refuser de refinancer la dette ou imposer des conditions, l’État se trouve contraint. La portée réelle de ce risque dépend toutefois de facteurs techniques et institutionnels, comme la structure des titres d’État, la taille des positions détenues par chaque investisseur et l’existence d’outils européens ou nationaux de stabilisation financière.
Qui détient la dette française ?
La dette française est répartie entre plusieurs catégories d’acteurs : banques, compagnies d’assurance, fonds d’investissement, et autres investisseurs institutionnels ou privés. Selon les éléments indiqués dans le texte d’origine, plus de la moitié de ces détenteurs sont établis à l’étranger. Cette donnée signale une ouverture importante aux marchés internationaux.
La formulation initiale précise encore une tendance : « la moitié de la dette détenue par des acteurs étrangers se répartit quasiment à parts égales entre des investisseurs situés en zone euro et hors zone euro (dont les grandes banques centrales internationales) ». Autrement dit, parmi les investisseurs étrangers, on trouve à la fois des acteurs communautaires et des détenteurs extra-européens, y compris des banques centrales.
La mention « La répartition de la dette négociable à long terme de la France » renvoie à la présentation synthétique de la structure des créanciers. En pratique, toutefois, il reste difficile d’identifier de façon précise qui possède telle ou telle obligation française. L’Agence France Trésor publie des tendances globales mais ne diffuse pas de ventilation fine par nationalité pour chaque catégorie d’investisseurs.
Opacité et limites d’information
Cette absence de détail rend l’analyse de la vulnérabilité plus complexe. Les titres d’État circulent sur les marchés secondaires, souvent au travers d’intermédiaires et de comptes-titres dématérialisés, ce qui complique l’attribution exacte d’un titre à une nationalité. Par conséquent, mesurer la capacité d’un groupe d’investisseurs à influer sur la politique française demande des données auxquelles l’État n’offre pas toujours un accès granulaire.
Les grandes tendances publiées par l’Agence France Trésor permettent toutefois de dégager des points clefs : la dette est détenue par un mélange d’acteurs domestiques et étrangers, et la part étrangère ne se limite pas à des investisseurs d’un seul horizon géographique. Cela tempère l’idée d’une soumission automatique à un petit nombre d’acteurs extérieurs, sans pour autant écarter des risques liés à des mouvements de marché brusques ou coordonnés.
En outre, la nature des détenteurs compte : des banques centrales ou des fonds souverains peuvent adopter des comportements différents de ceux d’investisseurs purement privés. Leur horizon de placement, leur mandat et leur capacité à absorber des pertes influencent la stabilité du financement.
En conclusion, l’argument selon lequel une part importante de la dette détenue par des non-résidents mettrait en péril la souveraineté nationale relève d’une préoccupation légitime, mais sa traduction en risque effectif dépend de paramètres techniques et de l’information disponible sur la détention des titres. Les éléments publics montrent une forte internationalisation des créanciers, mais l’opacité sur la granularité des positions empêche une évaluation précise et immédiate de l’ampleur du danger décrit dans la déclaration du 29 août.