Le journaliste Thomas Legrand a annoncé mardi 9 septembre qu’il renonçait à assurer son débat hebdomadaire prévu dans la nouvelle grille de France Inter, tout en précisant qu’il continuerait d’intervenir à l’antenne. Cette décision intervient après la diffusion d’extraits d’une vidéo privée le montrant s’exprimer sur la ministre de la Culture, Rachida Dati, lors d’une rencontre avec des responsables du Parti socialiste (PS).
Les faits et la diffusion de la vidéo
La radio publique avait suspendu jeudi 5 septembre la diffusion de la chronique de Thomas Legrand, après la publication d’une vidéo par le mensuel L’Incorrect. Selon ce média, la séquence — filmée à l’insu des protagonistes dans un restaurant parisien — date de juillet et a été diffusée sans le consentement des personnes présentes.
Dans l’un des passages mis en ligne, Thomas Legrand, également éditorialiste au quotidien Libération, déclare : « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick [Cohen] et moi ». Trois extraits ont été rendus publics ; selon le texte de présentation, ils portent notamment sur la campagne pour les municipales de 2026 à Paris et sur l’état des forces politiques à gauche en vue de l’élection présidentielle de 2027.
La publication de ces fragments a immédiatement suscité des accusations et des commentaires virulents de la part de responsables politiques. Le caractère enregistré à l’insu des participants et le montage des extraits ont aussi été évoqués comme des éléments susceptibles de biaiser la portée des propos.
Réactions de France Inter et position de Thomas Legrand
Interrogée en interne, la direction de France Inter a indiqué qu’il était « impossible d’assurer sereinement le débat hebdomadaire prévu dans la nouvelle grille » et a précisé que Thomas Legrand continuerait toutefois d’intervenir « à l’antenne comme éditorialiste de Libération et sous d’autres formes adaptées dont nous discutons avec lui ». Le communiqué a par ailleurs salué « son profond attachement au service public et son souhait de protéger le travail des journalistes de la rédaction ».
Sur le réseau social X, Thomas Legrand a affirmé : « J’ai annoncé ce matin à la direction de France Inter qu’il m’est désormais impossible d’assurer sereinement le débat hebdomadaire prévu dans la nouvelle grille ». Il a par ailleurs nié toute intention partisane dans son travail, déclarant à l’Agence France-Presse : « Mon travail est de combattre les mensonges de Mme Dati et son attitude face à la presse. Je ne la combats pas politiquement. »
Dans un texte transmis à l’AFP et publié sur ses réseaux, M. Legrand a reconnu des « propos maladroits » et a estimé que la diffusion d’un échange « enregistré à l’insu des protagonistes et qui plus est tronqué » pouvait susciter de la suspicion. Il a toutefois maintenu qu’il entendait « s’occuper » journalistiquement de ce qu’il qualifie de mensonges de Mme Dati.
Réactions politiques et suites envisagées
Rachida Dati a demandé que des mesures soient prises contre les deux chroniqueurs. Sur X, la maire du 7e arrondissement de Paris a écrit : « Des journalistes du service public et Libération affirment ‘faire ce qu’il faut’ pour m’éliminer de l’élection à Paris. Des propos graves et contraires à la déontologie qui peuvent exposer à des sanctions. Chacun doit désormais prendre ses responsabilités. »
Patrick Cohen, présent dans la rencontre, a contesté le montage et la portée du document : « On a pris des bouts de phrase. Il n’y a pas vingt secondes de conversation suivie. C’est complètement manipulatoire », a-t-il dit à l’AFP. Il a ajouté que la réunion avait été sollicitée par la direction du PS et n’avait pas un caractère conspiratif, parlant « d’ironie de l’histoire ».
Les deux journalistes ont annoncé leur intention de porter plainte, tandis que le Parti socialiste a démenti toute collusion avec les journalistes, assurant qu’« aucune collusion n’existe entre le Parti socialiste et les journalistes quels qu’ils soient ». Plusieurs formations politiques ont toutefois dénoncé l’échange, utilisant des termes tels que « complot », « infiltration » ou « mafia » lors des premières réactions publiques.
Cette affaire pose des questions sur les frontières entre vie privée, déontologie journalistique et usages des réseaux sociaux, ainsi que sur la responsabilité des médias lorsqu’un enregistrement privé est diffusé publiquement. Les investigations et les procédures annoncées par les protagonistes détermineront les suites à donner à ces accusations et aux demandes de sanctions.