Au lendemain de sa nomination à Matignon, Sébastien Lecornu a prononcé, mercredi 10 septembre, un discours bref mais déterminé lors de la cérémonie de passation des pouvoirs. Il a annoncé vouloir opérer « des ruptures », « sur le fond » et « pas que sur la forme et dans la méthode ». Ces mots résument, selon lui, la volonté d’engager un changement mesurable dans l’action gouvernementale à venir.
Un message de rupture et de méthode
Lecornu, nommé mardi soir par le président de la République après l’échec du vote de confiance demandé par François Bayrou à l’Assemblée nationale lundi, a choisi un ton sobre. Ancien ministre des Armées et personnage proche d’Emmanuel Macron, il s’est exprimé « en moins de cinq minutes » et a revendiqué l’« humilité » et la « sobriété » face à « cette instabilité et la crise politique et parlementaire que nous connaissons ».
Il a promis d’être « plus créatif » et « plus sérieux dans la manière de travailler avec [les] oppositions », soulignant la nécessité d’adapter la méthode de gouvernance au contexte d’un exécutif privé de majorité à l’Assemblée nationale. « On va y arriver », a-t-il lancé, exprimant sa confiance tout en appelant à des changements concrets.
Le nouveau locataire de Matignon a aussi formulé une mise en garde sur le rapport entre l’univers politique et la vie quotidienne des Français. Il a déclaré vouloir « mettre fin » au « décalage entre la vie politique du pays et la vie réelle », qualifiant ce décalage de « préoccupant » et estimant qu’« on ne pourra pas continuer ce décalage éternellement, parce qu’évidemment il nous rattrapera ».
La passation et le soutien de François Bayrou
Lors de la passation, M. Lecornu a remercié son prédécesseur, François Bayrou, pour ce qu’il a appelé son « extraordinaire courage ». Bayrou, maire de Pau et figure du MoDem, a affirmé lors de la cérémonie que son « aide » était « acquise à tout instant » pour tenter de « rassembler » plus largement.
Dans un bref discours, Bayrou a également rejeté l’idée d’une permanence des divisions : « Je ne crois pas une seconde que notre pays va rester éternellement dans les divisions, les injures, la violence », a-t-il déclaré, marquant ainsi sa volonté d’apporter son concours au nouveau chef du gouvernement.
Un calendrier de consultations serré
Conformément au mandat présidentiel, Sébastien Lecornu a été chargé par Emmanuel Macron de « consulter » les forces politiques afin de chercher des « accords » susceptibles de préserver la « stabilité institutionnelle » du pays. La procédure vise à construire des majorités de circonstance ou des compromis permettant de gouverner malgré l’absence d’une majorité claire.
Le programme de consultations a commencé dès le mercredi après-midi, avec les dirigeants des partis du bloc central : Renaissance, Les Républicains, MoDem et Horizons. Selon des sources, les formations de l’opposition de gauche — le Parti socialiste et Les Écologistes — ont été contactées et devraient être reçues dans un deuxième temps.
Sur la droite nationale, au Rassemblement national, deux proches de Marine Le Pen affirmaient en fin de matinée, interrogés par l’Agence France-Presse, ne pas avoir été informés d’une invitation à cette étape initiale des consultations.
Une mission délicate dans un contexte instable
La tâche qui attend Sébastien Lecornu s’annonce complexe : il doit concilier la volonté de réforme affichée — « des ruptures » sur le fond — avec la nécessité d’obtenir des soutiens parlementaires fragmentés. Le caractère court de son allocution témoigne d’un choix de simplicité et de réduction du verbe pour privilégier l’action et la négociation.
Sans majorité absolue, le gouvernement devra multiplier les discussions, rechercher des accords ponctuels et montrer une méthode de travail capable de rassurer tant les partenaires qu’une opinion publique attentive aux effets concrets sur la vie quotidienne.
Dans ce contexte, les prochains jours, marqués par la série de rencontres programmées à Matignon, seront déterminants pour mesurer la capacité du nouveau Premier ministre à transformer ses intentions en accords effectifs et en stabilité institutionnelle.