La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a critiqué lundi 15 septembre la communication du nouveau premier ministre, Sébastien Lecornu, qu’elle accuse de proclamer une « rupture » sans pour l’instant en réaliser « aucun acte de rupture », au terme d’un entretien à Matignon.
« Ce rendez‑vous confirme plus que jamais la nécessité de se mobiliser le 18 [septembre, journée de mobilisation nationale] puisque le premier ministre, à ce stade, parle de rupture dans ses discours, mais ne pose aucun acte de rupture, notamment vis‑à‑vis de l’Élysée », a déclaré la dirigeante syndicale. Elle a ajouté que, « à part la suppression des deux jours fériés, il n’a renoncé à rien dans le musée des horreurs qu’Emmanuel Macron avait prévu dans son projet de budget ».
Des annonces publiques et des reculs ciblés
Fraîchement nommé, Sébastien Lecornu avait affirmé lors de la passation des pouvoirs avec François Bayrou prévoir « des ruptures », « sur le fond » et « pas que sur la forme et dans la méthode ». Samedi, il a annoncé le retrait de la proposition de son prédécesseur concernant la suppression de deux jours fériés. Il a également dit vouloir privilégier « le dialogue avec les partenaires sociaux » pour identifier « d’autres sources de financement » du projet de budget 2026.
Pour la CGT, ce reflux reste insuffisant. Sophie Binet a souligné que la seule concession tangible relevée jusqu’ici portait sur ces deux jours fériés, alors que plusieurs autres mesures attendues par les syndicats n’ont pas été abandonnées.
Les demandes syndicales : abrogation et garanties
Lors de sa rencontre à Matignon, la numéro un de la CGT a posé comme « première rupture » l’abrogation de la réforme des retraites, qualifiée de « blessure démocratique et sociale (…) à l’origine de la situation d’instabilité politique actuelle ». Elle a expliqué avoir « senti que le premier ministre n’était absolument pas déterminé à agir » sur l’abrogation de l’âge de départ à 64 ans.
« S’il n’y a pas d’abrogation de cette réforme, son gouvernement comme les précédents, tombera », a prévenu Sophie Binet. Elle a aussi déploré de ne pas avoir obtenu de garanties contre une nouvelle réforme de l’assurance‑chômage. Parmi d’autres points sur lesquels la CGT attend des ruptures : la suppression annoncée de 3 000 postes de fonctionnaires et l’augmentation des franchises médicales.
La dirigeante a répété, en amont de son entretien et lors d’une interview sur TF1, ses attentes claires : « Il faut tout à l’heure qu’il dise, un, j’abroge la réforme des retraites. Deux, j’enterre le budget Bayrou ». « Et puis, on veut de l’argent pour nos services publics », a‑t‑elle ajouté.
Pressions sur le patronat et calendrier des consultations
Sophie Binet a également adressé un message au patronat, l’exhortant à « arrêter de pleurnicher » et à cesser ses « caprices d’enfants gâtés », en rappelant selon elle les « milliards d’aides consenties » chaque année aux entreprises. Elle réagissait aux propos du président du Medef, Patrick Martin, qui a évoqué samedi la perspective d’une « grande mobilisation patronale » si la fiscalité des entreprises était alourdie dans le cadre du budget 2026.
Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a entamé une série de consultations : d’abord avec les partis de son « socle commun » (le bloc central et Les Républicains), puis avec syndicats et organisations patronales. Après la CFDT et le Medef vendredi, puis la CGT lundi matin, il doit recevoir la CFTC et la CFE‑CGC lundi après‑midi, puis la CPME et l’U2P, respectivement lundi à 17 heures et mardi à 11 heures. Le leader de FO, Frédéric Souillot, a accepté de rencontrer le chef du gouvernement mais à une date ultérieure, après la journée du 18 septembre.
Le PS, clé du maintien au pouvoir et le débat sur le budget 2026
Le rendez‑vous le plus attendu à Matignon est celui avec le Parti socialiste, programmé mercredi matin et annoncé par le premier secrétaire Olivier Faure. Déjà menacé de censure par La France insoumise et le Rassemblement national, le gouvernement de Sébastien Lecornu peut compter sur l’appui éventuel du PS pour éviter une motion de défiance, selon les interlocuteurs évoqués.
Le cœur des discussions portera sur le projet de budget 2026, que le gouvernement doit présenter au Parlement avant la mi‑octobre. Les socialistes posent des conditions : un effort d’économie moindre en 2026 que celui prévu par François Bayrou et une fiscalité plus lourde pesant sur les très hauts patrimoines. Ils citent la proposition d’une taxe proposée par l’économiste Gabriel Zucman, à hauteur de 2 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.
Sébastien Lecornu s’est dit prêt à « travailler sans idéologie » sur les questions de justice fiscale et de répartition de l’effort, mais il a déjà exprimé son opposition à la taxe Zucman, en particulier concernant la taxation du patrimoine professionnel, qu’il juge essentielle pour la création d’emplois. Olivier Faure lui a répondu en précisant que la fortune des très riches est majoritairement détenue sous forme d’actions, et non de biens matériels comme des machines‑outils.
Les écologistes dirigés par Marine Tondelier et le Parti communiste français mené par Fabien Roussel ont également indiqué qu’ils seraient reçus mercredi par le premier ministre.