Avec la chute du gouvernement de François Bayrou le 8 septembre, la France a franchi une nouvelle étape d’instabilité politique : depuis la réélection d’Emmanuel Macron en 2022, elle a connu cinq premiers ministres en trois ans et demi. Cette succession rapide à la tête du gouvernement ravive un malaise national, au-delà de la simple crise ministérielle.
Un hors-série et un rendez-vous pour interroger la nation
Le thème « La France ? » donne son titre à la 28e édition des Rendez‑vous de l’histoire de Blois, organisée du 8 au 12 octobre. Le Monde est partenaire de cette manifestation, qui propose une série de débats et d’interventions consacrés à l’identité et au rôle de la nation.
Sur le même thème, Le Monde publie un hors‑série de 100 pages intitulé « héritages d’une puissance », en kioskage le 25 septembre au prix de 12,50 euros. Ce numéro interroge les legs d’un État millénaire et d’une nation qui a longtemps occupé une place importante sur les plans militaire, politique, économique et culturel.
Relancer le débat historiographique
Le hors‑série met en regard des approches diverses. Dans un échange, les historiens Pierre Singaravélou et Éric Anceau relancent le débat historiographique sur l’itinéraire de la France, depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui, en cherchant à inscrire l’analyse dans la longue durée.
Les universitaires Frédéric Charillon et Christian Lequesne insistent, pour leur part, sur la manière dont la France peut mobiliser son patrimoine et son histoire pour peser dans la diplomatie internationale. Ils soulignent en particulier la capacité du pays à faire valoir des ressources culturelles et intellectuelles dans un monde en recomposition.
Héritages, dilemmes et inquiétudes
Le numéro spécial rassemble des contributions variées — historiens, politistes, économistes, mais aussi auteurs de bande dessinée — afin d’examiner ce que signifie aujourd’hui « hériter » d’une puissance. Parmi les contributeurs figurent Patrick Boucheron, Timothy Tackett, Sanjay Subrahmanyam, Natacha Coquery et Joëlle Alazard, ainsi que l’économiste Philippe Aghion.
Patrick Boucheron synthétise une interrogation centrale : comment transformer l’inquiétude légitime des Français face à l’avenir en une force politique et civique ? Il met en garde contre le piège des « passions tristes » et plaide pour une mobilisation constructive des doutes plutôt que pour une résignation pessimiste.
Le hors‑série insiste sur la dialectique entre puissance et rhétorique de puissance. Autrement dit, il ne suffit pas de revendiquer une grandeur passée : il s’agit de réinterpréter et d’adapter les acquis pour rester influent dans les enjeux contemporains.
Transformer l’héritage en action
Les auteurs proposent de voir l’héritage non comme un fardeau mais comme un corpus d’acquis susceptible d’être transmis et renouvelé. Cette lecture évite deux excès opposés : la nostalgie de la grandeur et l’autoflagellation critique qui conduirait à sous‑estimer les capacités du pays.
À travers des exemples culturels, diplomatiques et économiques, le hors‑série met en avant le « soft power à la française » : un atout reposant sur la création, l’éducation, la langue et les institutions culturelles. Il invite aussi à retenir de l’histoire la capacité à remettre en mouvement les voies classiques de la puissance, sans se limiter aux seules réponses émotionnelles aux crises politiques.
Cette lecture pluraliste vise à faire des dilemmes contemporains des leviers d’innovation. Rénover les pratiques publiques, renforcer la recherche et valoriser la créativité sont présentés comme des pistes cohérentes pour transformer la perception du déclin en projets concrets.
En somme, le numéro spécial de Le Monde et les débats des Rendez‑vous de Blois proposent une réflexion collective : face aux incertitudes, réinterroger les héritages et les mobiliser pour inventer des formes renouvelées d’influence et de souveraineté, plutôt que de céder à la paralysie des peurs.