Le Prix Sakharov : règles et calendrier
Le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, décerné chaque année par le Parlement européen, récompense des individus ou des organisations engagés dans la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Nommé en hommage au dissident soviétique Andrei Sakharov, le prix est traditionnellement remis autour du 10 décembre, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme.
Les nominations peuvent être proposées par des groupes politiques du Parlement européen ou par au moins 40 députés européens. Cette année, les candidats ont été présentés mardi 23 septembre 2025, selon le calendrier communiqué par les instances parlementaires.
Les candidats retenus : profils variés et contextes internationaux
Le panel des huit candidats retenus illustre la diversité des situations présentes sur la scène mondiale. Parmi eux figurent l’opposition démocratique vénézuélienne, la famille et le mouvement liés à Mahsa Amini en Iran — associé au slogan « Femme, Vie, Liberté » — ainsi que le dissident russe Alexeï Navalny.
Parmi les personnalités individuelles, le journaliste et blogueur polono-biélorusse Andrzej Poczobut a été proposé par les groupes du Parti populaire européen (PPE) et des Conservateurs et réformistes européens (CRE). Figure de l’opposition au régime d’Alexandre Loukachenko, Poczobut est présenté comme un acteur de la lutte pour la liberté d’expression en Biélorussie.
Le groupe des Socialistes et Démocrates a, pour sa part, proposé « des journalistes et travailleurs humanitaires actifs dans les zones de conflit », représentés par des organisations telles que l’Association de la presse palestinienne, le Croissant-Rouge palestinien et l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA). Le groupe La Gauche a nommé plusieurs journalistes palestiniens, en citant notamment Hamza et Wael Al‑Dahdouh, Plestia Alaqad, Shireen Abu Akleh, et le média Ain Media, en hommage à Yasser Murtaja et Roshdi Sarraj.
Le dossier rappelle le risque élevé encouru par les professionnels de l’information dans la bande de Gaza : 220 d’entre eux auraient été tués en l’espace de deux ans, selon les éléments cités lors des propositions de candidature.
Mouvements de rue, pride et accidents déclencheurs
Plusieurs candidatures mettent en avant des mobilisations de masse en Europe centrale et orientale. En Serbie, un mouvement de contestation né après le tragique accident ferroviaire de Novi Sad — qui a entraîné la mort de 16 personnes — a donné lieu, depuis près d’un an, à plus de 23 000 rassemblements ou blocages recensés, selon les comptes rendus parlementaires. Le groupe Renew Europe a décidé de proposer les étudiants serbes à l’origine des manifestations.
À Budapest, la marche des fiertés de juin 2025 a attiré, malgré une interdiction gouvernementale et des risques d’intervention policière, le plus grand nombre de participants de son histoire ; elle est devenue la septième plus grande marche des fiertés en Europe. Le groupe des Verts/ALE, accompagné de 45 autres députés européens, a ainsi proposé d’attribuer le prix Sakharov à la Pride de Budapest, soulignant son symbole de liberté d’expression et de réunion.
Polémiques et débats autour de certaines candidatures
Les propositions ont suscité des débats vifs au sein du Parlement européen. Le mouvement de contestation des candidatures et l’instrumentalisation supposée de certaines personnalités par des forces politiques ont été au centre des interventions.
Parmi les candidatures controversées figure celle de l’influenceur ultraconservateur Charlie Kirk, proposé par le groupe Europe des nations souveraines (ESN). Selon le texte soumis, il aurait été élevé au rang de « martyr » par l’extrême droite après sa mort le 10 septembre 2025, une formulation relevée dans les échanges parlementaires.
Autre cas sensible : la candidature de l’écrivain franco‑algérien Boualem Sansal, avancée par le groupe des Patriotes pour l’Europe (PfE). L’auteur, arrêté en Algérie en novembre 2024 pour « atteinte à l’unité nationale » après une interview donnée à un média français et emprisonné depuis, a officiellement refusé la nomination le 14 septembre 2025, à la suite de l’annonce de sa proposition. Cette décision a alimenté des réactions, notamment celle de l’eurodéputée Nathalie Loiseau (Renew Europe), qui a relayé la position des proches de l’écrivain : « il ne veut pas du soutien de l’extrême droite », a‑t‑elle déclaré.
Un prix au carrefour de la diplomatie et du débat public
Les tensions observées autour des candidatures traduisent la dimension politique et symbolique du prix Sakharov. Au-delà de la reconnaissance individuelle ou collective, la désignation du lauréat cristallise des luttes d’influence entre groupes politiques, des débats sur la légitimité des porte‑voix et sur l’usage du prix à des fins de message politique.
La sélection finale et la remise du prix, prévues autour du 10 décembre, seront suivies de près par les partis et les observateurs internationaux, pour qui le choix du Parlement européen reste un marqueur important des priorités en matière de droits de l’homme.





