Après dix-sept jours de pourparlers tenus dans le huis clos de l’hôtel de Matignon, Sébastien Lecornu est sorti de son mutisme vendredi 26 septembre. Dans un entretien au Parisien, dont la publication a été reportée d’une journée en raison d’un mouvement de grève dans la rédaction, le premier ministre a confirmé les grandes lignes de son « socle commun », quitte à décevoir les élus socialistes qu’il dit vouloir convaincre.
Des négociations confidentielles et une stratégie de conciliation
Privé d’une majorité claire à l’Assemblée nationale, le chef du gouvernement a affiché sa volonté de tendre la main aux députés socialistes pour éviter une censure sur le budget 2026. Les discussions de ces dix-sept jours avaient pour objectif affiché de bâtir un accord capable d’assurer le vote du projet de loi de finances, mais le Premier ministre a d’ores et déjà posé des limites nettes à ce dialogue.
Selon l’entretien, plusieurs demandes de la gauche ont été écartées à ce stade. Sébastien Lecornu a ainsi exclu la suspension ou l’abrogation de la réforme des retraites — votée en 2023 — estimant que cela « ne réglerait aucun des problèmes » auxquels il rattache la question du travail des femmes et de la pénibilité. Il a par ailleurs jugé qu’« personne ne veut d’un nouveau conclave sur les retraites », en référence au précédent processus qui, selon lui, s’est soldé par un échec.
Refus des mesures fiscales emblématiques de la gauche
Lecornu a également rejeté, pour l’instant, l’idée d’instaurer la fameuse taxe Zucman, soutenue par la gauche et, selon le texte original, plébiscitée par une écrasante majorité de Français. Fidèle à la ligne macroniste, le nouveau locataire de Matignon a résumé sa position par la question : « Faut-il encore augmenter les impôts globalement ? Je ne le veux pas ».
Il a toutefois concédé que le prochain budget verrait des ajustements : « certains [prélèvements] augmenteront » et « d’autres diminueront ». Le retour de l’impôt sur la fortune (ISF), supprimé en 2018 et défendu par certains députés du « socle commun », n’est pas retenu non plus, selon ses déclarations.
Priorités affichées et mesures envisagées
Parmi les chantiers que Sébastien Lecornu dit vouloir traiter « en priorité », figure la question des ruptures conventionnelles du contrat de travail. Le Premier ministre désigne comme un problème l’« abus » de ces dispositifs, qui permettent aujourd’hui à des salariés démissionnaires de percevoir l’assurance-chômage. Il souhaite donc encadrer ou limiter ces pratiques, sans pour autant détailler, dans l’entretien cité, les mesures précises envisagées ni le calendrier de leur mise en œuvre.
L’interviewée reflète une stratégie pragmatique : chercher un compromis avec la gauche pour assurer le vote du budget 2026, tout en préservant des lignes rouges qui renvoient à des choix idéologiques et budgétaires. Le Premier ministre maintient ainsi une position qui combine ouverture au dialogue et refus de concessions majeures sur des sujets symboliques pour la gauche.
Le cadre de ces négociations — huis clos à Matignon, publication retardée du Parisien pour cause de grève — souligne la sensibilité politique de l’exercice et la volonté de limiter les fuites ou polémiques publiques durant la phase de recherche d’accords.
Reste à voir si ce « socle commun », tel que défini par le gouvernement, suffira à rallier les députés socialistes et à garantir l’adoption du budget 2026. Les déclarations rapportées dans l’entretien permettent de mesurer les lignes de fracture: refus d’une remise en cause de la réforme des retraites votée en 2023, rejet des principales mesures fiscales proposées par la gauche, et priorité donnée à la régulation des ruptures conventionnelles.
Ces annonces donnent le contour d’une phase politique qui s’annonce tendue, où la recherche d’une majorité de circonstance se heurtera aux demandes d’une partie de la gauche. Le calendrier parlementaire et les discussions à venir permettront de vérifier si le compromis recherché peut être atteint sans renoncer aux positions présentées par le Premier ministre.