Nommé dimanche 5 octobre ministre de l’aménagement du territoire, de la décentralisation et du logement dans le gouvernement de Sébastien Lecornu, Éric Woerth passe enfin de la préparation à l’action. Député Renaissance de l’Oise et âgé de 69 ans, il retrouve un portefeuille dont la mise en œuvre politique et législative s’annonce rapide et délicate.
Une mission préparatoire restée en suspens
En 2024, le président de la République avait confié à M. Woerth une mission destinée à poser les bases d’une réforme de la décentralisation, annoncée pour l’automne. Son rapport, rendu en mai de cette même année, n’a pas pu être déployé : il a été emporté par la dissolution intervenant en juin, suivie d’une succession de gouvernements éphémères qui ont empêché toute continuité d’application.
La remise du rapport en mai et la dissolution en juin sont des repères chronologiques importants : ils expliquent pourquoi des travaux déjà avancés ont été mis en attente et pourquoi la nouvelle nomination met l’ancien rapport sur la table d’actualité du gouvernement.
Contexte judiciaire et trajectoire politique
La prise de fonction d’Éric Woerth intervient dix jours après sa relaxe dans l’affaire du financement libyen de la campagne de 2007, où il avait été trésorier. Cette échéance judiciaire, liée à des faits antérieurs, est mentionnée dans le paysage médiatique entourant sa nomination et ajoute une dimension politique à son entrée au ministère.
Avant lui, le portefeuille avait été occupé par Catherine Vautrin entre septembre et décembre 2024, puis par François Rebsamen. Contrairement à ces prédécesseurs, qui estimaient que la décentralisation resterait surtout un thème de la campagne présidentielle de 2027, M. Woerth se voit confier la tâche de traduire des options en texte législatif à court terme.
Un calendrier législatif contraint
La principale contrainte qui pèse sur le ministre fraîchement nommé est le tempo politique : il devra rapidement élaborer un projet de loi, à supposer que l’Assemblée nationale ne censure pas trop vite le gouvernement de Sébastien Lecornu. L’expression « rapidement » recouvre plusieurs impératifs techniques et politiques : rédaction des dispositions, concertation avec les collectivités, arbitrages budgétaires et préparation du passage devant les chambres.
La durée de ce processus dépendra autant des choix de fond — degré de transfert de compétences, modalités de financement, gouvernance territoriale — que des équilibres parlementaires. Le contexte institutionnel récent — rapport préexistant, dissolution et changements ministériels — ne facilite pas une mise en œuvre linéaire.
Enjeu et attentes
La réforme de la décentralisation est présentée comme un chantier stratégique pour l’organisation des pouvoirs locaux et la politique du logement. Les collectivités locales attendent des clarifications sur les compétences et des garanties de financement. Le volet logement, attaché au même ministère, renvoie lui aussi à des besoins pressants en matière d’offre, de régulation et de politiques d’aménagement du territoire.
Le cumul de l’aménagement du territoire, de la décentralisation et du logement dans un seul ministère souligne la recherche d’une cohérence d’ensemble. Il place néanmoins la responsabilité d’arbitrer entre priorités nationales et attentes locales sur les épaules du ministre.
Nommer Éric Woerth à cette charge relève d’un choix politique clair : confier le pilotage d’un chantier technique et sensible à un homme qui connaît déjà les contours du dossier pour l’avoir récemment instruit. Reste à voir comment les propositions élaborées en 2024 seront réactualisées, acceptées par les parties prenantes et traduites en texte législatif, dans un calendrier qui s’annonce serré.
Dans l’immédiat, la nomination relance des travaux suspendus et remet la question de la décentralisation au centre du débat gouvernemental, au moment même où l’agenda parlementaire et les équilibres politiques détermineront la marge de manœuvre du ministre.