Pas de panique immédiate, mais une inquiétude qui s’insinue : les marchés financiers ont réagi négativement, lundi 6 octobre, à la chute d’un troisième gouvernement en dix mois, un événement qui confirme que l’instabilité politique est devenue une caractéristique durable de la deuxième économie de l’Union européenne.
Réaction immédiate des marchés
Sur la séance, l’indice CAC 40 de la Bourse de Paris a cédé 1,36 % et repassé sous le seuil des 8 000 points, qu’il avait retrouvé le 2 octobre, pour la première fois depuis mars. Les valeurs bancaires figurent parmi les plus touchées : Société Générale a reculé de 4,2 %, Crédit Agricole de 3,4 % et BNP Paribas de 3,2 %.
Le marché obligataire a également enregistré un mouvement de retrait. Le rendement des emprunts d’État français (OAT) à dix ans, qui évolue inversement au cours des obligations, est remonté à 3,57 %, contre 3,50 % vendredi 3 octobre. L’écart de rendement — le « spread » — avec les Bunds allemands de même échéance s’est creusé et a brièvement dépassé 88 points de base, un niveau signalé comme le plus élevé depuis décembre 2024.
Victime collatérale de l’incertitude politique, l’euro est retombé en séance sous 1,17 dollar avant de regagner un peu de terrain. Ces mouvements traduisent surtout un réflexe de prudence des investisseurs face à un contexte politique jugé instable et moins lisible.
Scénarios politiques et conséquences budgétaires
Face à cette instabilité, investisseurs et économistes cherchent à évaluer les options à court terme. Certains scénarios évoquent une dissolution de l’Assemblée nationale et, corrélativement, une prolongation des équilibres budgétaires actuels. Léo Barincou, économiste senior chez Oxford Economics, anticipe ainsi une possible reconduction du budget 2025 : « le budget 2025 sera très probablement au moins temporairement reconduit en 2026 », ce qui laisserait entrevoir un déficit public supérieur à celui de l’année en cours.
Cette perspective alimente la défiance envers les actions comme envers les obligations d’État françaises. Une reconduction temporaire du budget limiterait la capacité du gouvernement à lancer des réformes ou des mesures de soutien, et pèserait sur la trajectoire de la dette à court terme, estiment certains observateurs.
Un réflexe de prudence solidifié
Seize mois après la dissolution du 9 juin 2024, ces réactions ne sont plus des anomalies ponctuelles mais le signe d’un réflexe de prudence installé chez les acteurs financiers. « La situation budgétaire et fiscale est bien connue. Tout le monde sait qu’il y a des chantiers lourds à lancer, mais ce qui frappe, c’est qu’il n’y a pas de réponse politique qui permette de tabler sur une stabilisation. Et c’est une situation que n’aiment pas les marchés », résume Matthieu de Clermont, directeur des investissements assurance chez Allianz GI.
Le constat est double : d’une part, les fondamentaux budgétaires et structurels restent au centre des inquiétudes ; d’autre part, l’absence de visibilité politique amplifie la sensibilité des investisseurs aux nouvelles négatives. Concrètement, cette conjoncture se traduit par des sorties sur les actifs perçus comme plus risqués et une exigence de prime de risque accrue sur les titres souverains.
Perspectives et incertitudes à court terme
À court terme, les marchés continueront de scruter trois éléments : l’évolution de la situation politique (dissolution de l’Assemblée ou maintien du statu quo), la trajectoire budgétaire effective pour 2025 et 2026, et la réaction des grandes institutions financières et investisseurs étrangers. Chacun de ces facteurs peut influer sur le coût de financement de l’État, sur la valeur des actions françaises et sur la parité euro/dollar.
Les prochains jours devraient donc rester marqués par une forte attention des opérateurs et par une volatilité accrue tant que la lisibilité politique ne s’améliorera pas. Les signaux à venir — décisions politiques, communications officielles et données économiques — seront décisifs pour estomper ou renforcer l’aversion au risque observée depuis cette nouvelle phase d’instabilité.