L’autorité de Bruno Retailleau à la tête des Républicains apparaît fortement affaiblie après la décision de six cadres du parti d’entrer, dimanche 12 octobre, dans le gouvernement Lecornu II. Le parti a immédiatement annoncé leur exclusion et la cessation immédiate « leurs fonctions dans nos instances dirigeantes ». Une réunion des instances dirigeantes est programmée « dans les tout prochains jours pour statuer de manière définitive ».
La décision de six ministres met en lumière les dissensions
En l’espace d’une semaine, la situation a basculé pour le président des Républicains. Reconduit le dimanche 5 octobre à Beauvau dans le premier gouvernement dirigé par Sébastien Lecornu, Bruno Retailleau avait alors mis en doute sa propre participation, se disant ulcéré par la nomination de Bruno Le Maire au ministère de la Défense. Quelques jours plus tard, il se retrouve en dehors du gouvernement — une position qu’il affirme avoir choisie, assurant qu’il ne rempilerait pas si le chef du gouvernement était de gauche ou « macroniste », en référence à Sébastien Lecornu, finalement reconduit par Emmanuel Macron.
Malgré l’appel au rassemblement du président du parti, six responsables LR ont répondu favorablement à Sébastien Lecornu, défiant ainsi la ligne adoptée par Bruno Retailleau et par le bureau politique. Parmi eux figurent des noms importants : Annie Genevard (ministre de l’Agriculture), Philippe Tabarot (transports), Rachida Dati (culture), Vincent Jeanbrun (Logement), Sébastien Martin (Industrie) et Nicolas Forissier (Commerce extérieur et attractivité).
Annie Genevard, qui présidait jusqu’à présent la commission nationale d’investiture (CNI) chargée de désigner les candidats LR pour les municipales de mars prochain, a justifié son choix sur le réseau social X : « Je demeure pleinement fidèle à mon parti et à mes convictions, comme je l’ai toujours été ». Philippe Tabarot a, pour sa part, expliqué dans une lettre aux sénateurs qu’il se considérait « cohérent avec la position qui était celle des Républicains jusqu’au 5 octobre dernier ».
Un clivage entre députés et sénateurs
La divergence met en évidence un clivage marqué entre les élus du groupe parlementaire à l’Assemblée et les sénateurs. Le bureau politique des Républicains — instance généralement acquise à Bruno Retailleau — avait pourtant voté, samedi, à une large majorité pour ne pas entrer au gouvernement, au terme d’une réunion qualifiée de houleuse par plusieurs participants.
Mais dans les rangs des députés, la volonté de participer au gouvernement paraissait plus répandue. Laurent Wauquiez, président du groupe des députés LR, a répété à plusieurs reprises ces derniers jours qu’une « large majorité » de son groupe soutenait la participation. Avec environ une cinquantaine d’élus, les députés LR occupent une position centrale à l’Assemblée nationale et constituent, avec le bloc macroniste, la deuxième composante du socle parlementaire de la majorité.
Cette dynamique s’explique en partie par le souvenir de la dissolution de 2024 : de nombreux députés LR ont conservé leur siège face au Rassemblement national dans des circonscriptions rurales grâce à leur implantation locale. Plusieurs d’entre eux estiment ne pas être redevables uniquement au parti — dont le nom n’apparaissait parfois pas sur les affiches électorales — et redoutent qu’une ligne d’opposition stricte ne facilite une nouvelle progression de l’extrême droite en cas d’élections législatives anticipées.
Enjeux internes et perspectives
La manœuvre de Sébastien Lecornu, qui avait reçu séparément Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez à Matignon mardi, donne l’impression d’avoir exploité ces divisions internes. En invitant des représentants de différents courants, le chef du gouvernement semble avoir obtenu des signatures ministérielles capables de renforcer sa majorité parlementaire.
Pour Bruno Retailleau, élu largement à la tête du parti en mai avec quelque 75 % des voix, la situation pose un défi : tenter de rassembler un mouvement divisé entre une base sénatoriale attachée à une ligne d’autonomie et un groupe de députés plus enclin à la coopération gouvernementale. Son rappel à l’ordre n’a pas suffi à obtenir l’adhésion de tous.
Les décisions prises dans les prochains jours par les instances dirigeantes du parti devraient préciser le sort des élus concernés et la stratégie des Républicains en vue des scrutins à venir. Les tensions internes révèlent une partie des équilibres politiques actuels : la coexistence d’un leadership national affirmé et d’intérêts locaux puissants, parfois divergents.
Sans trancher l’avenir du parti, ces événements montrent que la recomposition des rapports de force internes est en cours, avec des implications directes pour la cohérence de l’action politique des Républicains au sein de la majorité parlementaire.