Le projet de loi de finances présenté au conseil des ministres, réuni exceptionnellement mardi 14 octobre, reste volontairement provisoire et conçu pour ouvrir un débat. C’est le message répété par le nouveau Premier ministre, qui a souligné que les chiffres inscrits dans la version initiale ne sont pas définitifs.
Un cadrage budgétaire susceptible d’évoluer
La maquette du texte fixe pour l’heure un objectif de déficit public à 4,7 % du produit intérieur brut (PIB). Le Premier ministre a toutefois précisé que cet objectif pourrait être assoupli et se rapprocher de 5 %, afin de laisser de la marge de manœuvre. Cette flexibilité permettrait, par exemple, d’absorber l’impact financier d’une suspension de la réforme des retraites, évalué à « quelques centaines de millions d’euros » la première année, selon les éléments fournis dans l’ébauche.
Le calendrier politique reste une contrainte : si le projet est rejeté par un vote de censure, son adoption sera bloquée. À défaut, le gouvernement a annoncé un débat parlementaire qui s’annonce dense, compte tenu des choix et des compromis portés par le texte.
Un projet hérité et étendu : 29 mesures fiscales
La version du projet de loi de finances signée par le Premier ministre s’appuie sur la copie laissée par son prédécesseur, François Bayrou, et comporte au total 29 mesures fiscales. Le chef du gouvernement avait annoncé dans Le Parisien, le 26 septembre : « Je ferai une proposition de budget dans laquelle certains impôts augmenteront, mais d’autres diminueront. » Le document soumis au conseil confirme cette orientation contrastée.
Parmi les mesures figurent la création de plusieurs nouvelles taxes. La plus marquante cible les actifs « non affectés à une activité opérationnelle » détenus par des holdings patrimoniales : il s’agirait de taxer des réserves et placements détenus dans une structure qui n’exerce pas d’activité économique directe.
Les bénéficiaires visés sont estimés à 20 000 à 30 000 holdings patrimoniales, des structures par lesquelles des contribuables fortunés abriteraient une part de leur patrimoine. Selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, il s’agit d’un « mécanisme désormais assez usité – disons-le franchement – d’évitement et parfois de contournement de l’impôt », formulation qu’elle avait employée en juillet.
Ce dispositif, qualifié dans le texte d’« ersatz de taxe Zucman », exclurait explicitement les biens professionnels. Cette exclusion réduit sensiblement le rendement attendu : la prime d’exclusion des biens professionnels est chiffrée dans l’ébauche comme diminuant le produit potentiel d’environ 90 %.
En dépit de cette réduction, le gouvernement estime que la taxe pourrait générer entre 1 et 1,5 milliard d’euros de recettes supplémentaires. Ces chiffrages figurent tels quels dans la version présentée, sans développement méthodologique détaillé dans le passage communiqué au conseil.
Enjeux et perspectives du débat
Le projet contient donc des choix redistributifs et fiscaux significatifs : l’État propose de réduire certaines niches tout en créant de nouvelles assiettes fiscales. Le tour d’horizon laisse augurer des discussions serrées sur l’équilibre entre objectifs de recettes, compétitivité et justice fiscale.
Le calendrier parlementaire et l’issue éventuelle d’un vote de censure resteront déterminants pour la suite. Si le texte n’est pas bloqué, le débat annoncé devra trancher sur l’équilibre final entre réductions et hausses d’impôts, ainsi que sur l’ampleur réelle des économies et des recettes nouvelles.
Les montants et les périmètres retenus dans l’ébauche — déficit à 4,7 % (potentiellement proche de 5 %), suspension des réformes pesant « quelques centaines de millions d’euros », 29 mesures fiscales, taxation des holdings ciblant 20 000–30 000 structures et un rendement attendu de 1–1,5 milliard d’euros — constituent les repères concrets autour desquels se déroulera le débat public et parlementaire.