Céline Spector : la fin de l’âge d’or de la démocratie représentative au triomphe des flux de capitaux et d’infos — restaurer confiance et coalitions

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La récente dissolution a déclenché une crise révélant les limites pratiques de la Ve République : fragmentation des partis, absence de majorité parlementaire et refus du compromis. Plus que des réformes techniques, c’est un ethos politique — confiance, coalition, responsabilité collective — qu’il faut restaurer pour rétablir la gouvernabilité.

L’hubris de la dissolution a profondément secoué les mécanismes de la Ve République. Un président, habitué à l’emporter, semble refuser la défaite et s’enfermer dans le déni, transformant une manœuvre constitutionnelle en crise politique durable.

Une crise politique révélatrice

Ce qui devait être un coup tactique pour reprendre l’initiative a en réalité replacé les partis politiques au centre du jeu. Ceux que l’on croyait voués aux oubliettes de l’histoire ont retrouvé une capacité d’influence et de blocage, et la fragmentation des forces politiques — phénomène déjà perceptible dans plusieurs pays d’Europe — a atteint un point de rupture.

Le résultat est tangible : la nation se retrouve privée d’une majorité parlementaire stable et, par conséquent, d’une majorité de gouvernement. Là où la Ve République tire habituellement sa force de la capacité du régime à produire rapidement une majorité, la logique inverse s’impose désormais : l’absence d’accord bloque l’action publique et rend le pilotage des affaires publiques nettement plus difficile.

Une question d’éthos plus que d’architecture

Le diagnostic va au-delà des défauts ponctuels de la Constitution. On peut certes pointer des marges d’amélioration institutionnelle, mais le mal profond tient selon toute vraisemblance à une défaillance d’un ethos politique capable de soutenir les institutions. Il s’agit de rapports de confiance, de pratiques partisanes et d’attitudes politiques — chez les gouvernants comme chez les gouvernés — qui conditionnent l’exercice du pouvoir.

Rivés sur la perspective prochaine de l’élection présidentielle, des partis affaiblis manifestent une réticence quasi systématique à toute logique de coalition. Plutôt que de chercher des compromis durables, ils privilégient des stratégies de positionnement électoral à court terme. Ce comportement fragilise la capacité collective à assurer des majorités stables et à mettre en œuvre des politiques publiques cohérentes.

La situation rappelle l’observation historique de Montesquieu à propos de l’Angleterre secouée par des luttes factionnelles : « Le gouvernement changeait sans cesse : le peuple étonné cherchait la démocratie, et ne la trouvait nulle part. » (De l’Esprit des lois, 1748). Cette citation illustre la tension récurrente entre la recherche d’intérêt partisan et le besoin d’équilibre institutionnel.

Conséquences et limites constitutionnelles

Confrontée à l’absence d’une majorité claire, l’exécutif se trouve dans une impasse pratique. Gouverner sans majorité impose des compromis ad hoc, des majorités de circonstance ou l’utilisation accrue d’outils réglementaires, au risque d’affaiblir le débat parlementaire et la légitimité des décisions adoptées.

De plus, la polarisation et l’atomisation du paysage politique rendent plus délicate la recomposition d’alliances. Quand l’esprit de faction supplante l’esprit de coalition, les chocs se multiplient et l’équilibre institutionnel devient instable. Le cadre constitutionnel peut tolérer ces tensions sur le court terme, mais il n’est pas neutre face aux effets d’un paysage politique fragmenté.

Il ne s’agit pas forcément d’un échec de la Ve République dans son principe, mais d’une mise en lumière de ses limites pratiques lorsque le jeu partisan refuse la logique du compromis. La stabilité institutionnelle dépend autant de règles constitutionnelles que de comportements politiques conformes à l’intérêt général.

Autrement dit, la crise actuelle est moins la conséquence d’une lacune technique que d’un affaiblissement des pratiques démocratiques qui garantissent la continuité de l’action publique. Tant que les forces politiques privilégieront la stratégie électorale courte au détriment d’accords de gouvernabilité, la probabilité d’impasses restera élevée.

Enfin, cette période pose une question centrale pour l’avenir : comment conjuguer un système conçu pour produire des majorités claires avec un paysage politique fragmenté ? La réponse exige à la fois une réflexion sur des ajustements institutionnels possibles et, surtout, une restauration d’un ethos politique favorable au compromis et à la responsabilité collective.

Parlons Politique

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