L’Assemblée nationale a approuvé, mardi 28 octobre, le report des élections provinciales en Nouvelle‑Calédonie, un geste présenté comme un préalable à une éventuelle réforme institutionnelle et qui a profondément divisé les élus.
Le vote et le calendrier
La proposition de loi a été adoptée par 279 voix contre 247, avec le soutien du camp gouvernemental et du Parti socialiste ; le reste de la gauche et le Rassemblement national ont voté contre.
Le texte ne décale que la date du scrutin — déjà reporté à deux reprises — et fixe comme horizon « le 28 juin 2026 au plus tard » pour la tenue des élections provinciales. Selon le texte d’origine, la mesure vise à « se donner le temps de trouver un accord », formulation reprise en séance par le député Arthur Delaporte (PS) : « Ce report n’est ni une réforme constitutionnelle ni le dégel du corps électoral, mais un moyen de se donner le temps de trouver un accord. »
La mise en œuvre éventuelle des mesures inscrites dans l’accord évoqué nécessiterait, selon le contenu du texte, l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle.
Ce que contient (ou prévoit) l’accord de Bougival
L’accord, signé en juillet à Bougival entre l’État et des délégations calédoniennes indépendantistes et non‑indépendantistes, comporte plusieurs propositions sensibles.
Parmi elles figurent, selon le texte, la création d’un « État de la Nouvelle‑Calédonie » ou la reconnaissance d’une nationalité calédonienne. L’accord prévoit aussi d’élargir le corps électoral spécifique aux élections provinciales, enjeu central et conflit latent dans l’archipel.
Aujourd’hui, le droit de vote pour ces scrutins est réservé à certaines catégories de résidents, notamment aux personnes établies sur le territoire avant 1998 et à leurs descendants, un dispositif qui alimente l’indignation du camp loyaliste. Le texte précise que la mise en œuvre de l’accord passerait par une modification constitutionnelle.
Oppositions et incertitudes politiques
Le report a suscité des oppositions marquées. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), la principale coalition indépendantiste, avait signé l’accord à Bougival mais l’a finalement rejeté après la signature ; il s’oppose désormais au report des élections.
En séance, plusieurs députés ont exprimé leur perplexité. Le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou a interrogé le gouvernement en déclarant : « On statue sur quoi ? » De son côté, Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise, a affirmé que « la confiance est rompue », accusant le gouvernement de vouloir « imposer » l’accord de Bougival.
La confusion a été alimentée par une initiative du gouvernement qui, mardi matin, avait inscrit une réforme constitutionnelle au calendrier du Parlement dès janvier. Ce placement à l’agenda a surpris et inquiété des soutiens du gouvernement. En réponse, les parlementaires avaient retiré la veille toute référence explicite à Bougival du texte relatif au report, afin d’apaiser les tensions.
Le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a reconnu que ce calendrier « ait pu susciter l’inquiétude », et il a annoncé le retrait du texte constitutionnel « de l’ordre du jour prévisionnel ». Le ministre a néanmoins affirmé que l’accord de Bougival est « soutenu par toutes les autres formations politiques locales non indépendantistes » et par « l’Union nationale pour l’indépendance », mouvement qui s’est retiré du FLNKS en novembre 2024.
Il a ajouté que l’accord devait être « précisé et, le cas échéant, si l’ensemble des forces politiques signataires s’accordent, complété », renvoyant l’essentiel des négociations à des discussions politiques à venir.
Ce qui reste en suspens
Au‑delà du calendrier, plusieurs points restent ouverts : l’acceptation ou non de l’élargissement du corps électoral, la portée exacte des propositions relatives au statut institutionnel de la Nouvelle‑Calédonie, et la capacité des signataires à traduire un accord politique en texte constitutionnel.
Le report voté à l’Assemblée nationale doit encore recevoir un vote final au Sénat, mentionné dans le texte d’origine pour « mercredi ». La perspective d’un délai supplémentaire d’ici à juin 2026 n’apaise pas uniformément les acteurs locaux, qui demeurent divisés sur la méthode et le fond de la réforme envisagée.
La Nouvelle‑Calédonie, meurtrie par de graves violences au printemps 2024, reste au centre d’un débat institutionnel et électoral dont l’issue dépendra autant des arbitrages parlementaires que des négociations entre forces politiques calédoniennes.





