Un virage éditorial visible
À la sortie de son premier livre, Ce que je cherche (Fayard), paru en novembre 2024, Jordan Bardella apparaissait encore comme un disciple affiché de Marine Le Pen. Le chapitre intitulé « Marine », long de douze pages, avait été interprété par de nombreux élus du Rassemblement national (RN) comme une marque d’allégeance et de reconnaissance envers sa mentor.
Un an plus tard, cette impression a été fortement mise à l’épreuve par une nouvelle publication signée par l’eurodéputé et président du parti d’extrême droite. Intitulé Ce que veulent les Français (Fayard), l’ouvrage compte environ 400 pages et affiche des prix indiqués dans l’extrait fourni : 23,90 euros en papier et 16,99 euros pour le format numérique. Contrairement à son précédent opus, Marine Le Pen y apparaît une seule fois, selon le même extrait.
Un repositionnement assumé ?
La réduction de la présence de Marine Le Pen dans ce second livre a été perçue comme une prise d’indépendance. Là où le chapitre « Marine » du premier ouvrage semblait attester d’une filiation politique, le nouveau volume paraît concentrer la voix sur l’auteur lui‑même et sur la mise en scène d’une stature personnelle.
Le texte d’origine signale que la seconde publication a bénéficié d’un soutien important des filières éditoriales et médiatiques liées à l’empire du milliardaire conservateur Vincent Bolloré. Cette observation, rapportée telle quelle, suggère un environnement de diffusion favorable mais ne détaille pas la nature exacte ni l’étendue de ce soutien.
Le ton et la posture du prologue
Dans le prologue du nouveau livre, Jordan Bardella présente son travail comme « le journal intime d’un pays mêlant colère sourde, lassitude et incompréhension ». Cette formulation place le texte sur un registre émotionnel et national, revendiquant un lien direct avec des sentiments attribués à une partie de l’opinion publique.
Le même extrait rappelle que, « douze mois après la production de Mémoires sans relief ni réflexion politique », l’auteur, décrit comme « tout juste trentenaire », avait fait la promesse de s’effacer « au profit d’une poignée de Français ». La juxtaposition de cette promesse d’effacement et de l’écriture d’un conséquent volume centrée sur sa propre personne nourrit une lecture critique de la cohérence entre posture publique et pratique éditoriale.
Ce que disent — et ne disent — pas les livres
Le titre Ce que veulent les Français laisse entendre une ambition large, voire générale, concernant l’état de la nation et les attentes populaires. Le passage cité tempère toutefois cette ambition : l’ouvrage ne « dit rien de la volonté de nos compatriotes » et s’affiche plutôt comme l’expression des intentions politiques et de l’image que cherche à construire Jordan Bardella. Cette distinction importe pour évaluer la portée présumée du livre.
Sur le plan du contenu concret, l’extrait insiste sur la répétitivité d’un texte de 400 pages et sur l’omniprésence de l’auteur comme sujet central. Il n’apporte par contre pas d’informations précises sur les propositions politiques développées, les thèmes détaillés ni les sources mobilisées par l’auteur pour prétendre rendre compte de « ce que veulent les Français ».
Enjeux pour le Rassemblement national
Dans les rangs du RN, le passage d’un chapitre de reconnaissance explicite à une quasi-absence de la figure tutélaire peut poser des questions stratégiques. Selon le texte initial, certains élus avaient considéré le chapitre « Marine » comme l’élément susceptible de dissiper les critiques sur une prétendue émancipation politique du dirigeant. Aujourd’hui, la nouvelle configuration éditoriale semble rendre plus difficile cet exercice d’apaisement interne.
Reste que l’extrait transmis ne précise pas la réaction officielle du parti ni l’ampleur du débat interne. Il rapporte des constats sur la tonalité et la présence médiatique des ouvrages, mais laisse ouvertes de nombreuses interrogations sur les conséquences pratiques pour la ligne politique du RN et sur l’accueil du livre par l’opinion publique.
En l’état, l’évolution observée entre les deux publications illustre avant tout un rééquilibrage de l’image publique de Jordan Bardella : d’un hommage explicite à une mentor à une construction plus singulière de sa propre identité politique. Les éléments fournis permettent d’identifier ce mouvement, sans toutefois documenter toutes ses implications ni livrer une analyse exhaustive des contenus des livres.





