Quelques jours après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution portée par le Rassemblement national visant à « dénoncer » l’accord franco‑algérien de 1968, le ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, a mis en garde contre la méthode du « bras de fer » avec l’Algérie. Dans un entretien au Parisien, publié samedi 1er novembre, il a estimé que la confrontation brutale n’était pas une solution viable et a dit regretter « les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce vote ».
« Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine », a déclaré M. Nuñez. Il a ajouté que, « preuve » de l’inefficacité de cette approche, « le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger ».
Un dialogue mis en pause selon le ministre
Depuis son arrivée au gouvernement, Laurent Nuñez a plusieurs fois souligné la nécessité de renouer le dialogue avec Alger. Il a notamment insisté sur l’importance de la coopération sécuritaire, en particulier dans la lutte antijihadiste au Sahel, domaine où la coordination bilatérale est régulièrement invoquée par Paris.
La rupture — telle que décrite par le ministre — se traduit, selon lui, par un arrêt total de la coopération migratoire entre la France et l’Algérie. « L’Algérie n’accepte plus ses ressortissants en situation irrégulière depuis le printemps dernier », a déclaré M. Nuñez.
Impact sur les éloignements et les centres de rétention
Le ministre a chiffré les conséquences concrètes de cette rupture. À fin octobre 2025, 500 éloignements forcés vers l’Algérie auraient pu être effectués, contre 1 400 à la même période l’année précédente, selon ses déclarations. Il a lié cette baisse d’expulsions au refus d’Alger de recevoir des rapatriements.
En conséquence, les centres de rétention administrative « sont occupés à plein », a ajouté M. Nuñez, précisant que « 40 % des places sont occupées par des ressortissants algériens ». Ces éléments décrivent, selon lui, une pression accrue sur l’appareil de gestion des éloignements et sur les capacités d’accueil administratives.
Le ministre a exprimé ses réserves sur l’efficacité des postures uniquement symboliques ou coercitives, estimant que leur usage empêche souvent la mise en place de mécanismes concrets de coopération.
Contexte politique et héritage de 1968
La résolution adoptée à l’Assemblée vise à dénoncer la convention du 27 décembre 1968 entre la France et l’Algérie, signée six ans après la fin de la guerre d’Algérie. Ce traité institue, selon le texte évoqué dans le débat, un régime migratoire plus favorable aux ressortissants algériens : ils n’auraient pas besoin de « visa spécifique » pour séjourner plus de trois mois en France et bénéficieraient d’un accès accéléré aux titres de séjour valable dix ans, notamment pour le regroupement familial.
La demande de dénonciation de cette convention relève d’un souhait ancien porté par des formations de droite et d’extrême droite. Dans le débat public, elle cristallise des divergences sur la politique migratoire, les relations bilatérales et la mémoire historique entre les deux pays.
Le départ du précédent ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau — décrit ici comme partisan d’une ligne plus dure vis‑à‑vis d’Alger — avait, selon le récit rapporté, permis d’amorcer des discussions en coulisses entre Paris et Alger. Mais l’adoption de la résolution a, d’après les mêmes sources, interrompu ou freiné ces prémices de dialogue.
Laurent Nuñez a ainsi mis en garde contre la multiplication d’actes symboliques qui, s’ils visent à répondre à des pressions politiques internes, risquent d’affecter immédiatement des volets opérationnels sensibles de la coopération bilatérale.
Les propos du ministre, rapportés par Le Parisien, dressent le constat d’une relation bilatérale fragilisée et d’un appareil administratif français déjà confronté à des tensions liées aux éloignements. Le débat politique sur la dénonciation de l’accord de 1968 demeure, quant à lui, un point de rupture potentiel entre logique symbolique et impératifs de coopération pratique.





