La mairie de Paris a lancé cette semaine une opération inédite : un tirage au sort qui permet à des particuliers d’acquérir des monuments funéraires patrimoniaux abandonnés, à condition de les restaurer. L’objectif affiché est double : réduire la saturation des cimetières historiques et remettre en valeur des sépultures protégées par leur statut patrimonial.
Un patrimoine funéraire saturé mais protégé
Le patrimoine funéraire parisien compte 634 000 concessions. Depuis le début du XXe siècle, les cimetières intra‑muros sont saturés et les possibilités d’obtenir une concession près d’une personnalité historique sont très limitées. Conséquence : de nombreux monuments se retrouvent à l’abandon, mais leur valeur patrimoniale empêche leur démolition ou leur disparition pure et simple.
Pour tenter de contourner cette contrainte, la Ville propose pour ce premier test 30 monuments via un tirage au sort : 10 au Père‑Lachaise, 10 au cimetière Montparnasse et 10 à Montmartre. Parmi les concessions proposées, certaines sont situées à proximité de sépultures célèbres — par exemple près de la tombe de l’écrivain Alexandre Dumas à Montmartre, à quelques pas de la couturière Sonia Rykiel à Montparnasse, ou encore non loin de la sépulture du chanteur Michel Delpech au Père‑Lachaise.
Modalités strictes et obligations de restauration
Selon la mairie, le processus impose plusieurs étapes. D’abord, l’acquéreur doit acheter le monument funéraire « en s’engageant à le restaurer à l’identique ». Ensuite, « après restauration du monument dans les conditions attendues et dans le délai imposé, s’engager à acquérir une concession funéraire sous le monument, également dans un délai imposé ». Si ces conditions ne sont pas remplies, « la vente du monument est annulée et l’acquéreur perd son investissement », prévient la Ville.
Paul Simondon, adjoint à la maire de Paris chargé des affaires funéraires, a précisé à l’Agence France‑Presse (AFP) que les candidats doivent « fournir des devis d’entreprises de marbrerie spécialisées pour montrer qu’ils connaissent le coût de la rénovation, afin qu’il n’y ait pas de surprise ». L’exigence vise à garantir que la restauration sera réalisable et financée par l’acquéreur.
La Ville insiste sur le fait que l’achat du monument, qui relève du domaine privé, a été « validé par les services de l’Etat, permettant de lier l’achat du monument, relevant du domaine privé, à l’obtention de la concession publique ». Ce cadre administratif lie la transaction privée à l’octroi de la place funéraire sous le monument restauré.
Accès, conservation et écologie
Le dispositif ouvre pour la mairie « pour la première fois aux familles d’anticiper l’achat d’une concession intra‑muros », toujours selon M. Simondon. Il constitue également un moyen de préserver des éléments du patrimoine funéraire qui, faute d’entretien, se dégraderaient irrémédiablement.
L’élu a aussi souligné l’« intérêt écologique » du réemploi des monuments funéraires : la restauration et la remise en service d’éléments existants évitent la fabrication et l’exportation de nouvelles pierres et matériaux, et limitent la production de déchets liée à une démolition suivie d’une reconstruction.
Ce premier tirage au sort est présenté comme un test par la mairie. Selon Paul Simondon, le bon accueil auprès du public est déjà perceptible : « dès les 24 premières heures on a eu 1 000 clics sur les dossiers de candidature », a‑t‑il déclaré à l’AFP. La Ville indique qu’elle réfléchit à la possibilité d’étendre le dispositif en fonction des enseignements tirés de cette première vague.
Le mécanisme pose cependant des questions pratiques et éthiques : coordination avec les services de conservation, contrôles sur la qualité des restaurations, et modalités de suivi des concessions acquises restent des points à préciser au fil du déroulement de l’opération. Pour l’instant, la Ville a fixé des garanties contractuelles et financières visant à encadrer strictement la revalorisation de ces sépultures patrimoniales.




