Un sursis voté en soirée
Les salles de consommation à moindre risque ont obtenu un sursis : créées à titre expérimental en 2016 à Paris et Strasbourg, les « haltes soins addictions », destinées aux usagers les plus éloignés du système de soins et permettant la consommation encadrée de drogues, devaient en principe fermer à la fin de l’année. Mais, samedi 8 novembre tard dans la soirée, les députés ont voté la prolongation de l’expérimentation jusqu’au 31 décembre 2027.
L’amendement, présenté de manière transpartisane (LIOT – Parti socialiste – Écologistes) dans le cadre des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, a reçu un avis favorable de la ministre de la Santé, Stéphanie Rist. Selon le texte de l’intervention rapporté par la presse, la ministre a estimé que « d’un point de vue de santé publique, les évaluations montrent l’efficacité » de la mesure, tout en soulignant la nécessité d’améliorations opérationnelles.
Bilan des évaluations et pistes d’amélioration
La ministre a indiqué qu’un rapport gouvernemental attendu sur le sujet serait transmis aux parlementaires. Elle a ajouté que les évaluations réalisées jusqu’ici avaient identifié plusieurs points à améliorer, notamment « la coordination entre acteurs », « les parcours de prise en charge » et « la contribution » des salles « à la veille sanitaire ». Ces constats expliqueraient, selon elle, que le dispositif reste pour l’instant au stade expérimental.
Les haltes soins addictions fonctionnent comme des lieux de réduction des risques : elles offrent aux personnes consommant des produits illicites un cadre sécurisé pour consommer, tout en proposant un accès aux soins et aux accompagnements. Le vote de prolongation traduit un choix politique qui repose, au moins en partie, sur les conclusions des évaluations sanitaires et sociales menées depuis la mise en place des sites pilotes.
Débats politiques et demandes d’extension
Plusieurs députés de gauche ont profité des débats pour appeler à étendre le dispositif au-delà de Paris et de Strasbourg. L’amendement adopté samedi reste toutefois dépendant de l’adoption finale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, un texte dont le parcours parlementaire est décrit comme aussi chaotique que celui du budget, selon le compte rendu des débats.
Dans le même temps, la communauté médicale et des professionnels de l’addictologie se sont mobilisés pour défendre la continuité des expérimentations. Jeudi, une quarantaine de médecins, addictologues et autres acteurs de santé ont publié une tribune dans Le Monde. Ils ont averti : « Fermer les salles de consommation serait un signal dramatique : celui d’une France qui renonce à la science, à la raison et à sa tradition humaniste. »
Les signataires ont insisté sur le fait que ces structures « ne s’opposent pas au soin ni même à l’abstinence » et jugent que « revenir en arrière serait une faute morale et une erreur historique. Aucun pays n’a fait ce choix. La France ne peut pas être le premier. »
Ce qui reste à trancher
La prolongation votée par les députés constitue une étape importante mais conditionnelle : elle est liée à l’adoption du projet de loi dans son ensemble et n’efface pas les questions soulevées par les évaluations. Le rapport gouvernemental annoncé devrait préciser les modalités de coordination, les améliorations à apporter aux parcours de prise en charge et la manière dont ces lieux contribuent à la surveillance sanitaire.
Sur le plan politique, la décision ouvre un débat sur l’éventuelle généralisation du dispositif et sur son pilotage opérationnel. Pour l’heure, la voie retenue par les députés laisse l’expérimentation en place jusqu’à la fin 2027, tout en renvoyant à des travaux complémentaires et à l’arbitrage parlementaire l’avenir à plus long terme des haltes soins addictions.





