Extrême droite et défense des femmes : véritable conversion ou stratégie électorale ? Le virage rhétorique du Rassemblement national sur les violences sexuelles

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Depuis une dizaine d’années, l’extrême droite, notamment le Rassemblement national, affiche un virage rhétorique en se présentant en défenseuse des droits des femmes, notamment sur les violences sexuelles (affaires Lola, tentative de viol dans le RER C). Entre stratégie électorale, renouvellement générationnel et héritage conservateur, ce repositionnement interroge : s’agit‑il d’un réel changement de posture ou d’une instrumentalisation médiatique des faits divers ?

Depuis une dizaine d’années, des mouvements nationalistes et identitaires en France se présentent de plus en plus comme des défenseurs des droits des femmes, en particulier sur la question des violences sexuelles. Ce repositionnement s’est manifesté récemment dans la manière dont ces formations et leurs relais médiatiques ont relayé le procès de la meurtrière de Lola et l’affaire de la tentative de viol dans le RER C, incidents largement instrumentalisés dans leurs sphères militantes et médiatiques. La tendance s’observe tant dans le discours du Rassemblement national (RN) que chez plusieurs de ses homologues européens, et elle marque une rupture sensible avec des prises de position plus ouvertement patriarcales du passé.

Un virage stratégique vers la protection des femmes

Le nouveau discours adoptant la défense des victimes s’apparente, pour ses promoteurs, à une posture de «vigie» face à l’insécurité. Il met l’accent sur la sécurité publique et la sanction des auteurs, thèmes facilement mobilisables dans l’espace politique et médiatique. À l’échelle électorale, cette rhétorique permet de concilier des revendications perçues comme populaires — sécurité, ordre et protection — avec une image modernisée du parti.

Ce déplacement rhétorique n’efface pas la dimension politique : il sert aussi de marqueur identitaire et de différenciation vis‑à‑vis des autres forces politiques. Les relais militants et certains médias alignés sur ces mouvements ont multiplié les mises en scène et les reprises d’affaires judiciaires sensibles, ce qui a contribué à faire de ces dossiers des vitrines médiatiques. Cette dynamique interroge la frontière entre plaidoyer réel pour les victimes et usage instrumental d’affaires individuelles à des fins politiques.

Un héritage doctrinal longuement conservateur

L’extrême droite française a longtemps porté une vision réductrice du rôle des femmes, centrée sur la procréation et la préservation d’une identité nationale perçue comme menacée. Le Front national (ancêtre du Rassemblement national) est resté, jusqu’à la fin des années 2000, largement un parti d’hommes, selon les témoignages et analyses contemporaines.

La tonalité du passé est illustrée par une citation de Jean‑Marie Le Pen en 1996 au Parisien : « ridicule de penser que leur corps leur appartient, il appartient au moins autant à la nature et à la nation ». De telles formulations ont, selon le sociologue Sylvain Crépon, freiné l’adhésion des femmes au parti : « Les positions de Jean‑Marie Le Pen sur l’avortement, sa mise en avant de la virilité et son phrasé sexiste et misogyne ont longtemps freiné les femmes de rejoindre le parti. »

Le contraste entre ces déclarations historiques et le discours actuel est donc net. Il reflète une évolution interne : l’émergence, dans les années 2010, d’une génération de militantes d’extrême droite moins encline à rejeter l’héritage féministe, et davantage volontariste pour investir l’espace public et les médias. Cette génération semble contribuer à normaliser, au sein du mouvement, des prises de parole plus axées sur la protection des femmes.

Entre usage symbolique et transformation réelle

Plusieurs questions demeurent ouvertes. Le réajustement discursif traduit‑il une transformation profonde des positions politiques sur les droits des femmes, ou s’agit‑il principalement d’une stratégie de communication visant à capter de nouveaux électorats ? Les observateurs signalent une tension entre le discours protecteur et des pratiques ou antécédents idéologiques qui restent empreints d’un conservatisme structurel.

L’analyse doit aussi prendre en compte la manière dont ces discours sont réceptionnés : pour certains électeurs, la mise en avant des violences sexuelles est perçue comme une prise en compte des préoccupations quotidiennes; pour d’autres, elle sonne comme une instrumentalisation de faits divers. La médiatisation soutenue de dossiers sensibles augmente le risque de simplification et d’émotionnel, au détriment d’analyses de fond sur les causes sociales et les politiques publiques nécessaires pour prévenir les violences.

En somme, le virage affiché par l’extrême droite vers la défense des femmes est tangible dans le registre public et médiatique. Il s’inscrit toutefois sur un terrain de tension : entre héritage doctrinal, renouvellement générationnel et calculs politiques. La vérification des intentions véritables et des conséquences concrètes de ce repositionnement exige un examen attentif des actes, des propositions de politiques publiques et de la réception citoyenne, au‑delà des postures discursives.

Parlons Politique

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