Après la victoire inattendue du centriste Rob Jetten aux élections législatives du 29 octobre, les négociations pour former une coalition ont commencé depuis quelques jours aux Pays‑Bas. Le processus s’annonce, comme souvent, complexe : le leader de Démocrates 66 (D66), formation social‑libérale, devra soit rapprocher la droite libérale et la gauche sociale et écologiste autour d’un compromis, soit s’appuyer sur plusieurs petites formations susceptibles d’affaiblir son futur gouvernement.
Un parlement particulièrement fragmenté
La Chambre des députés compte désormais quinze partis, un niveau de fragmentation inédit qui complique la tâche du vainqueur. M. Jetten a inscrit en tête de son programme la promesse de « redonner de la stabilité » au pays, qui a connu neuf gouvernements différents depuis 2002 et trois scrutins en cinq ans. Tenir cet engagement sera l’un des tests majeurs des négociations en cours.
L’équation arithmétique est simple en apparence, mais difficile à résoudre : il faut rassembler une majorité capable d’aller au-delà des déclarations de principe et de produire des compromis sur des dossiers sensibles. Or, les divergences idéologiques entre la droite libérale, les formations socialistes et les écologistes portent sur des sujets structurels — fiscalité, transition écologique, politiques sociales — qui requièrent des concessions concrètes.
Choix stratégiques et risques politiques
M. Jetten est confronté à deux chemins opposés. Le premier consiste à construire une coalition « large » rassemblant des forces de droite et de gauche afin d’assurer une majorité stable. Le second consiste à composer avec un ensemble de petits partis, ce qui offrirait peut‑être une majorité plus rapide à obtenir, mais qui risquerait d’aboutir à un gouvernement plus fragile et sujet à des ruptures.
La présence d’un grand nombre de partis rend également la négociation plus longue : chaque formation dispose de revendications propres et d’un rapport de force à défendre. Dans ce contexte, la capacité de D66 à arbitrer entre concessions programmatiques et exigences ministérielles déterminera la viabilité d’un accord.
Un succès serré face à l’extrême droite
La victoire de M. Jetten est survenue au prix d’un résultat très serré face à Geert Wilders et son Parti pour la liberté (PVV, extrême droite). Ce succès a suscité un regain d’espoir, tant aux Pays‑Bas qu’en Europe, chez ceux qui cherchent des réponses pour freiner la progression des mouvements populistes.
Le message véhiculé par D66 — opposant aux « vingt ans de négativisme » de certains adversaires et appelant à « penser plus grand » — a déstabilisé une partie des rivaux et séduit un électorat en quête d’alternatives à un paysage politique jugé trop instable et peu réactif.
Contexte de mécontentement électoral
Plusieurs mouvements ont profité, au fil des ans, d’un électorat en quête constante de renouvellement. Les héritiers du populiste Pim Fortuyn, la droite libérale incarnée par Mark Rutte, le PVV de Geert Wilders, la droite radicale de Thierry Baudet, le Mouvement agriculteur‑citoyen (BBB) et les réformateurs du Nouveau Contrat social ont tour à tour bénéficié de cette dynamique.
Ce cycle de renouvellement traduit, selon les analystes politiques, un malaise démocratique : les électeurs semblent ressentir un éloignement entre leurs attentes et les réponses proposées par les gouvernements successifs. Les thèmes qui reviennent régulièrement dans le débat public — « identité » nationale, gestion de l’immigration et de l’asile, place de la religion musulmane dans une société majoritairement sécularisée — ont été amplifiés par des discours populistes au cours des vingt dernières années.
Le défi de la crédibilité
Au cœur des discussions se trouve la capacité du futur exécutif à restaurer la confiance. Pour beaucoup d’électeurs, la stabilité n’est pas un objectif abstrait : elle conditionne la mise en œuvre de politiques cohérentes sur l’économie, l’éducation, l’environnement et l’immigration. M. Jetten devra ainsi démontrer, rapidement, qu’une coalition bâtie autour de D66 peut tenir ses engagements et gouverner de manière lisible.
Les prochaines étapes seront déterminantes : composition des équipes ministérielles, arbitrages sur le programme et calendrier législatif. La façon dont ces éléments seront négociés dira beaucoup de la marge de manœuvre dont disposera le futur gouvernement pour répondre aux attentes exprimées par les électeurs.
La période qui s’ouvre est donc doublement délicate : il s’agit à la fois de résoudre une arithmétique parlementaire complexe et de répondre à une demande publique de stabilité et d’efficacité. Les prochains jours et semaines permettront de savoir si la victoire serrée de D66 pourra se traduire en gouvernement durable.





