Le gouvernement table toujours sur un retour du déficit public à 4,7 % du produit intérieur brut (PIB) en 2026, malgré des discussions parlementaires qui laissent aujourd’hui la trajectoire budgétaire « aux alentours de 5 % du PIB », a déclaré la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, dans une interview au Parisien publiée samedi 15 novembre.
Déficit public : objectifs officiels et constat parlementaire
« On est aux alentours de 5 % du PIB alors qu’on devrait être sous les 5 % », a affirmé la ministre, tout en rappelant que « notre objectif reste 4,7 %. Ce n’est pas un fétichisme ! ». Elle a souligné que les économies non réalisées en 2026 devront l’être ultérieurement : « Tous les efforts qu’on ne fera pas en 2026, il faudra les réaliser en 2027, 2028 ou 2029. »
La ministre a insisté sur l’impact du creusement des déficits sur le service de la dette, évalué par le gouvernement à 74 milliards d’euros de charges d’intérêt en 2026, chiffre qu’elle a utilisé pour défendre la nécessité de contenir l’endettement.
Situation de la Sécurité sociale et désaccords chiffrés
Le budget de la Sécurité sociale est, selon l’exposé des débats, une source de tension majeure. Le gouvernement avait fixé un objectif de déficit à 17,5 milliards d’euros, mais ce seuil a été largement dépassé après le passage du texte à l’Assemblée nationale.
Le ministre du Travail, Jean‑Pierre Farandou, a estimé que le déficit serait « supérieur à 24 milliards d’euros », estimation qu’auraient partagée, selon le même compte rendu, les services de l’Assemblée et du Sénat.
Dans la même interview, Amélie de Montchalin a cependant déclaré qu’« il est impossible d’imaginer » qu’il soit « au‑dessus des 20 milliards d’euros », avant d’ajouter qu’il était « difficile d’imaginer qu’on puisse dégeler toutes les retraites et toutes les prestations sociales ». La juxtaposition de ces éléments chiffrés — un pronostic à plus de 24 milliards et une formule évoquant l’impossibilité d’un montant « au‑dessus des 20 milliards » — apparaît contradictoire dans le récit public rapporté lors de l’entretien.
Mesures contestées : gel des prestations et débats à l’Assemblée
En première lecture, l’Assemblée nationale a supprimé, à une large majorité, l’article prévoyant le gel des pensions de retraite et des prestations sociales habituellement indexées sur l’inflation. Cette mesure représentait environ 3,6 milliards d’euros d’économies.
Fin octobre, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, s’était dit « favorable à regarder » des amendements visant à « dégeler les pensions de retraite de notre pays [et des] minima sociaux ». Amélie de Montchalin s’était toutefois opposée à la suppression totale de la mesure, évoquant la possibilité de maintenir « le gel des allocations familiales pour les foyers les plus aisés ».
Les débats parlementaires ont donc contribué à alourdir les prévisions de déficit pour 2026 et à multiplier les scénarios d’économies ou de mesures compensatoires.
Calendrier serré et incertitudes procédurales
La ministre a jugé que, « en dehors des amendements contraires aux droits européen et international », la copie budgétaire « va dans la bonne voie sur certains sujets », mais qu’elle devait rester « encore équilibrée ». Elle a en outre mis en garde les députés : « le déficit ne va pas disparaître par magie ».
Malgré l’urgence, l’Assemblée nationale n’a pas siégé le week‑end suivant, et le risque existe que le projet de loi de finances soit transmis au Sénat sans vote sur l’ensemble du texte, faute de temps — une situation qui pourrait contraindre la suite de la navette parlementaire.
Interrogée sur la possibilité d’une stratégie gouvernementale visant à retarder les débats, Mme de Montchalin s’est dite indignée par ce qu’elle a qualifié « d’intox lancées par certains de nos opposants », avec « une dose de complotisme ». Elle a réfuté tout dispositif caché en assurant qu’« aucune ordonnance n’est en cours d’écriture à Bercy » et a exprimé l’espoir d’un compromis entre les groupes parlementaires.
Le portrait qui ressort de l’entretien est celui d’un exécutif cherchant à défendre une cible budgétaire contraignante (4,7 % du PIB) tout en faisant face à des réalités chiffrées issues des arbitrages parlementaires et à des marges d’incertitude sur l’ampleur réelle du déficit de la Sécurité sociale pour 2026.





