Elle le dit elle-même : rien ne la prédestinait à exercer la fonction de maire, encore moins dans une petite commune rurale. À 40 ans, Fanny Lacroix publie un essai politique et intime, Au fil du village (Utopia, 208 pages, 10 euros), où elle dresse le bilan de son premier mandat d’édile à Châtel‑en‑Trièves, village d’environ 500 habitants situé au pied du massif du Dévoluy.
Un itinéraire construit par étapes
Le récit suit un parcours marqué par une série de « chiche ? » lancés à elle‑même : quitter Paris, où elle travaillait comme urbaniste, pour suivre son compagnon et s’installer dans le Trièves, une zone de moyenne montagne à la frontière de l’Isère et des Hautes‑Alpes. Ce déplacement géographique a été le point de départ d’une implication progressive dans la vie locale.
En 2014, elle devient secrétaire de mairie à Saint‑Sébastien. La commune fusionne en 2017 avec Cordéac pour former Châtel‑en‑Trièves. Par la suite, elle se fait accepter et est élue maire de la nouvelle commune, puis s’engage au niveau national en prenant une fonction de vice‑présidente à l’Association des maires ruraux de France (AMRF).
Gouverner une commune de 500 habitants
Le livre décrit les défis concrets d’une gestion communale de petite taille : concilier contraintes budgétaires, attentes des habitants et attractivité territoriale, tout en préservant les spécificités d’un territoire de moyenne montagne. Fanny Lacroix met en avant une méthode centrée sur la coconstruction, cherchant à associer résidents et élus pour définir les projets locaux.
Le récit insiste sur la nécessité de gagner la confiance d’une population parfois réticente aux nouveaux arrivants. Pour elle, la légitimité se construit par l’action quotidienne et la capacité à écouter, plutôt que par des trajectoires professionnelles antérieures ou des diplômes.
Dans son témoignage se dessinent également des tensions institutionnelles : comment faire entendre la voix d’une petite commune au sein d’instances nationales, et comment transformer des préoccupations locales en politiques publiques effectives. Son engagement au sein de l’AMRF traduit cette volonté de porter les enjeux ruraux au‑delà du cadre communal.
Engagement politique et trajectoire personnelle
Parallèlement à son mandat, Fanny Lacroix a choisi de s’impliquer dans la vie partisane. Elle a rejoint Place publique, puis a été candidate pour le MoDem lors des élections législatives de 2022. L’auteure raconte ces expériences comme des prolongements de son engagement local, sans masquer les difficultés de la transition entre action municipale et compétition électorale nationale.
Son récit mêle ainsi réflexions politiques et moments intimes, illustrant les compromis nécessaires lorsque vie personnelle et responsabilités publiques se croisent. Le format de l’essai permet d’alterner chronologie factuelle et observations plus générales sur l’état de la ruralité française.
Un témoignage pour penser la ruralité
Au fil du village se présente comme un témoignage pragmatique plutôt qu’un plaidoyer théorique. L’ouvrage restitue des situations concrètes de gestion communale et propose des pistes de réflexion sur les manières de renforcer la participation citoyenne et la coopération intercommunale.
Les éléments biographiques et les dates mentionnées (2014 pour la prise de fonction de secrétaire de mairie, 2017 pour la fusion des communes, 2022 pour la candidature législative) structurent l’argumentaire sans prétendre couvrir l’ensemble des enjeux nationaux. Le livre vise avant tout à partager une expérience personnelle et des méthodes de travail pour préserver des villages vivants et impliqués.
Sans sensationnalisme, Fanny Lacroix propose un récit où l’apprentissage du pouvoir local se conjugue avec une attention au quotidien des habitants. Son témoignage rejoint d’autres voix qui, dans les territoires ruraux, questionnent la manière dont se pense et se décide l’avenir des petites communes françaises.
