Lâché mardi à Tahiti, un nouvel Observatoire des violences faites aux femmes et intrafamiliales a été officiellement présenté mercredi 19 novembre à Paris. L’instance a pour objectif de centraliser et d’analyser les données locales afin d’améliorer la prévention et la prise en charge des victimes.
Un état des lieux chiffré
Selon les premières données rendues publiques à l’occasion de l’inauguration, environ 500 femmes témoignent chaque année devant le tribunal correctionnel de Papeete des violences conjugales qu’elles ont subies.
Lorsqu’on ajoute les procédures enregistrées par la police et la gendarmerie, le nombre de victimes recensées s’élève à environ 1 500 par an, ont indiqué les auteurs du dispositif.
L’Observatoire fait également état de 18 décès liés à des violences intrafamiliales sur une période de sept ans. Parmi ces décès, dix ont été qualifiés de féminicides et trois d’infanticides. Cinq hommes figurent parmi les victimes : ils ont été tués, selon le décompte, soit pour avoir tenté de protéger une femme, soit en tant que nouveau compagnon.
Les premiers chiffres mentionnés par l’Observatoire signalent que 31 % des auteurs sont des récidivistes.
Comparaison avec la métropole et formes de violences
Un rapport de la Cour des comptes publié en 2024 est cité pour situer la Polynésie française dans un contexte national : il y apparaît que, en 2022, les condamnations pour violences conjugales étaient proportionnellement 3,5 fois plus nombreuses en Polynésie — 264 condamnations pour 100 000 habitants — que dans l’Hexagone, où le taux était de 74 pour 100 000.
La première présidente de la cour d’appel de Papeete, Gwenola Joly-Coz, l’une des initiatrices du projet avec le gouvernement de Polynésie, a souligné un phénomène particulier : « Cent pour cent de ces meurtres ont été commis par des hommes », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse (AFP).
La magistrate a aussi insisté sur la « prévalence, plus que nulle part ailleurs, de l’acte sexo-spécifique de la strangulation », qu’elle décrit comme un geste destiné, selon ses mots, à « éteindre la parole » de la victime.
Facteurs favorisant les violences et obstacles à la protection
Plusieurs intervenants ont pointé des facteurs contribuant à la persistance et à l’aggravation des violences intrafamiliales. Cécile Moreau, directrice de l’Association polyvalente d’actions judiciaires, a évoqué « une consommation d’alcool et de stupéfiants importante », ainsi qu’un « manque de communication dans des couples qui se forment très jeunes ».
La procureure de la République de Papeete, Solène Belaouar, a ajouté que la géographie du territoire complique la protection des victimes. La dispersion des îles et la configuration des logements, où se concentrent parfois des familles élargies, rendent plus difficiles les placements en sûreté et les solutions d’hébergement d’urgence.
Réactions politiques et initiatives annoncées
Face aux chiffres, le président de la Polynésie, Moetai Brotherson, s’est dit en colère et a dénoncé, selon le compte rendu, la « lâcheté » des hommes auteurs de ces violences.
La vice‑présidente et ministre des solidarités, Minarii Galenon-Taupua, a annoncé la création d’un « conseil des hommes bienveillants », destiné à mobiliser les hommes dans la prévention et la lutte contre les violences sexistes et intrafamiliales. Peu de détails opérationnels ont été fournis lors de la présentation initiale.
L’Observatoire se veut un outil d’amélioration des connaissances : il vise à documenter les faits, à suivre l’évolution des procédures et des condamnations, et à orienter les politiques publiques pour mieux prévenir les violences et mieux protéger les victimes.
Les responsables judiciaires et associatifs ont souligné la nécessité d’un travail coordonné entre institutions, forces de l’ordre, associations d’aide aux victimes et acteurs de santé pour que les données produites par l’Observatoire puissent déboucher sur des mesures concrètes et adaptées au contexte polynésien.
La présentation publique a permis la mise en lumière de chiffres et de constats jusqu’ici fragmentés. Les autorités locales ont annoncé un suivi régulier des indicateurs, sans calendrier détaillé communiqué lors de la cérémonie.





