La question « Peut‑on faire changer Marine Le Pen d’avis ? » revient régulièrement dans les rangs du Rassemblement national (RN), en particulier lorsque son avenir politique se joue en même temps que des procédures judiciaires. Pour certains députés de son camp, l’espoir de la faire infléchir relève souvent du vœu pieux : « Peut‑être que dans un an je regretterai de ne pas l’avoir dérangée pour la tanner sur le changement de stratégie », confie un député du RN, qui pointe la détermination personnelle de la présidente du parti.
Un horizon politique lié à la procédure judiciaire
Marine Le Pen a partiellement levé le voile sur ses intentions. Elle a annoncé qu’elle renoncerait à se présenter à l’élection présidentielle de 2027 si, en juin 2026, la cour d’appel l’empêchait de le faire dans le cadre de l’affaire dite des assistants parlementaires européens du Front national (FN). Cette position marque un recul par rapport à sa posture antérieure, lorsqu’elle jurait d’épuiser tous les recours, y compris la Cour de cassation.
La précision des calendriers renforce les enjeux. La dirigeante est attendue devant la justice lors d’une session qui s’étendra du 13 janvier au 12 février 2026. Le résultat de cette audience et, surtout, la décision de la cour d’appel l’été suivant détermineront la possibilité pour elle de briguer l’Elysée en 2027 ou d’ouvrir formellement la voie à d’autres cadres du RN.
La manœuvre tactique : obstination ou concession ?
À son retour devant les juges, Marine Le Pen fait face à un dilemme stratégique. Deux options s’offrent à elle : maintenir une ligne de contestation totale des faits et de la légitimité des magistrats, ou au contraire adopter un comportement plus conciliant, susceptible d’encourager une forme de clémence judiciaire. Le choix aura des conséquences à la fois légales et politiques.
Pour plusieurs élus du parti, la première option illustre la posture de « femme d’État » qu’ils lui attribuent : inflexible et maîtresse de sa trajectoire. « Vous ne lui ferez jamais entendre raison si elle ne l’a pas décidé », résume l’un d’eux, soulignant que la discipline personnelle de Marine Le Pen constitue à la fois une force et un obstacle au changement de cap.
Mais le camp le plus pragmatique se demande si un début de repentir public, strictement ciblé et mesuré, ne pourrait pas infléchir la décision des juges. Selon ses partisans, adoucir la tonalité de la défense favoriserait l’esquive d’une condamnation qui fermerait la porte de la présidentielle. Le mot « clémence » revient ainsi dans les conversations internes, sans que ne soit mise en avant une stratégie consensuelle.
À cet égard, Philippe Olivier, conseiller et eurodéputé proche de Marine Le Pen, balaie l’idée d’une reddition devant les magistrats : « Il ne faut pas se comporter devant les juges comme devant de grands prêtres, car ils ont forcément raison : si vous vous défendez, vous êtes coupables. » Son propos illustre la défiance qui persiste envers une partie de l’appareil judiciaire, et le risque politique qu’un changement de ton ferait courir aux responsables du RN.
Conséquences pour la succession et la stratégie du RN
La perspective d’un retrait de Marine Le Pen en 2027 placerait Jordan Bardella, président du RN, en position de principal successeur pour porter l’ambition présidentielle du parti. Le contexte de la décision — judiciaire et temporel — empêche cependant d’affirmer que la passation serait fluide. Les calculs internes restent tributaires de l’issue des recours et de l’évaluation que feront les cadres du RN du « coût » politique d’un abandon éventuel.
Pour certains proches, un retrait contrôlé et négocié ouvrirait la voie à une transition maîtrisée, permettant au parti de conserver une ligne politique cohérente. Pour d’autres, laisser la place avant l’échéance affaiblirait la stature présidentielle que Marine Le Pen s’est construite au fil des années et risquerait de fragmenter l’électorat.
Au‑delà des personnes, l’équation reste simple : la décision de la cour d’appel en juin 2026 et la posture adoptée lors de l’audience du 13 janvier au 12 février 2026 détermineront en grande partie si l’ex‑candidate conservera une trajectoire vers 2027 ou si elle ouvrira la porte à une relève au sommet du Rassemblement national.





