Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a assuré mercredi 26 novembre que la France n’avait « aucun problème » pour se financer sur les marchés et qu’elle n’avait « pas besoin » d’un emprunt « forcé » auprès des plus aisés. Sa prise de position intervient alors que plusieurs sénateurs socialistes proposent, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, d’instaurer un prêt obligatoire à taux zéro ciblant une petite fraction des contribuables les plus riches.
Le propos du ministre et son argument principal
Invité sur France Inter, Roland Lescure a souligné que le financement de la dette n’était pas, à ses yeux, un sujet préoccupant pour l’État. « Le ministre des finances, quand il se lève le matin, il a quand même pas mal de problèmes à régler. Heureusement, il y en a un qui ne lui pose pas de problème, c’est le financement de la dette », a-t-il déclaré.
Le ministre a ajouté que les prêteurs continuaient à faire confiance à la France : « Aujourd’hui, les gens continuent à prêter à la France, et c’est tant mieux. Donc a priori pas besoin d’un emprunt, qui plus est forcé (…) Surtout, s’il est forcé, je pense que cela ne donnerait pas forcément un message très positif. » Il a répété son diagnostic en précisant qu’il n’envisageait pas de problème de financement pour l’année en cours ni pour l’année prochaine.
La proposition socialiste: un prêt obligatoire pour les très hauts revenus
Plusieurs amendements présentés par les sénateurs socialistes, mentionnés par Les Echos, préconisent la création d’un emprunt obligatoire à taux zéro. Le dispositif viserait « environ 20 000 » contribuables parmi les plus aisés, selon les textes portés au débat.
Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, a défendu la mesure auprès de l’Agence France‑Presse (AFP). « Ce n’est pas une taxe, ce n’est pas un impôt. C’est du patriotisme fiscal, certes obligatoire, mais qui ne va impacter qu’à la marge les plus grandes fortunes », a-t-il déclaré. Pour le sénateur (PS) du Nord, il s’agit d’une « contribution exceptionnelle, de l’argent frais qui rentre et qu’on n’ira pas emprunter sur les marchés à des taux élevés ».
Selon Patrick Kanner, la mesure pourrait rapporter entre 6 et 15 milliards d’euros selon les critères retenus. Il a également chiffré la portée sociale de la mesure : elle « concernerait 0,05 % des foyers fiscaux », a-t-il calculé. Le sénateur reconnaît toutefois n’avoir que de faibles espoirs de voir l’amendement adopté au Sénat, mais il compte sur son éventuelle réintroduction lors de la poursuite des discussions parlementaires.
Position des autres groupes et calendrier parlementaire
Un amendement similaire a été déposé au Sénat par le groupe des écologistes, indiquant que la proposition suscite au moins une forme de convergence sur l’idée d’un prélèvement ciblé. Les débats sur le projet de loi de finances pour 2026 devaient démarrer jeudi, après que l’Assemblée nationale a rejeté le texte en première lecture.
Dans ce contexte, la démarche des sénateurs socialistes apparaît autant symbolique qu’opératoire : elle cherche à ouvrir une discussion sur des formes « créatives, innovantes » de financement de l’État, comme l’a résumé l’un des intervenants, tout en sachant que la mise en œuvre réelle dépendra du calendrier et des arbitrages politiques ultérieurs.
Réflexions politiques et références historiques
Roland Lescure a aussi situé la proposition dans une perspective historique et politique, en faisant référence aux précédents. « Que les socialistes soient nostalgiques des années Mitterrand, je le comprends. La dernière fois qu’on a fait ça, c’était le gouvernement Mauroy en 1983 », a-t-il observé. Il a ajouté qu’on pouvait « examiner toutes les formes (…) créatives, innovantes, de financement de la dette de l’État, pourquoi pas ? » tout en réaffirmant son diagnostic sur l’absence, aujourd’hui, d’un problème de financement.
Sur le plan politique, la proposition met en lumière un clivage sur la manière de répartir l’effort pour réduire les besoins de financement : d’un côté, des élus prônent une contribution ciblée et exceptionnelle sur les très hauts revenus ; de l’autre, l’exécutif privilégie la confiance du marché et met en garde contre les effets d’un mécanisme obligatoire sur le message adressé aux investisseurs.
Au-delà des postures, la suite dépendra de l’examen parlementaire du projet de loi de finances pour 2026 et des arbitrages techniques qui définiront le périmètre, les modalités et l’éventuelle portée budgétaire d’un tel mécanisme s’il était retenu.





