Le Parlement européen a approuvé, mercredi 26 novembre, le report d’un an de l’entrée en vigueur d’une loi emblématique destinée à lutter contre la déforestation, une décision obtenue avec le soutien de l’extrême droite. Le report jusqu’à la fin de 2026 a été validé à Strasbourg par 402 voix contre 250, reprenant les grandes lignes d’un compromis conclu entre les États membres le 19 novembre.
Le contenu et l’objectif du texte
La loi antidéforestation vise à interdire la commercialisation au sein de l’Union européenne de plusieurs produits agricoles et forestiers — notamment l’huile de palme, le cacao, le café, le soja et le bois — s’ils proviennent de terres déboisées après 2020. L’objectif déclaré est de rompre le lien entre consommation européenne et destruction des forêts dans le monde, en imposant des obligations de traçabilité et de conformité pour les importateurs et distributeurs.
Outre le report, le compromis prévoit une clause de revoyure programmée en avril 2026, destinée à réexaminer la mise en œuvre et les modalités de la loi avant son entrée en vigueur. Les eurodéputés et les États membres doivent encore tenir une ultime concertation formelle avant l’adoption définitive de ce report.
Un vote marqué par des alliances politiques inédites
Le scrutin a révélé des ruptures d’alliances classiques au Parlement. Les centristes du groupe Renew se sont montrés divisés, tandis que la gauche a voté contre le report. L’extrême droite s’est alliée à des formations de droite pour soutenir le texte, reproduisant une dynamique observée quinze jours plus tôt.
Le 13 novembre, les mêmes forces politiques avaient déjà conjugué leurs voix pour affaiblir le cœur d’une autre disposition environnementale majeure, la loi sur le devoir de vigilance sociale et environnementale des grandes entreprises. Ces deux épisodes témoignent d’un réalignement ponctuel des majorités sur des sujets environnementaux au sein de l’hémicycle.
Réactions et enjeux économiques
Sur le terrain des réactions, les organisations environnementales ont exprimé leur colère face aux reports successifs et aux modifications. L’ONG Fern, spécialisée dans la protection des forêts, a dénoncé « les tentatives incessantes visant à réviser, voire à détruire » cette loi, qualifiant le processus de « farce ».
La réglementation est aussi l’objet d’une résistance industrielle et diplomatique. Une série de géants de l’agronégoce s’y opposent, tout comme certains pays d’Asie et d’Amérique inquiets des surcoûts potentiels pour agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers. Au sein de l’Union, l’Allemagne s’est montrée très critique et a plaidé pour le report ainsi que pour la mise en place de la clause de revoyure.
L’argument avancé par les opposants met en avant les coûts supplémentaires de mise en conformité et la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises européennes face à une concurrence mondiale intense. Ces considérations ont pesé dans les arbitrages politiques qui ont conduit au report.
Rappelons que l’Union européenne avait déjà repoussé cette loi une première fois, de 2024 à 2025. Les nouveaux atermoiements alimentent les interrogations sur la capacité et la volonté de l’UE à appliquer des règles contraignantes pour lutter contre la déforestation importée.
La décision de mercredi s’inscrit donc dans un contexte où l’Union cherche un équilibre entre ambitions climatiques et contraintes économiques perçues par les acteurs privés et certains États membres.
La mise en œuvre effective de la loi dépendra désormais de l’issue des dernières consultations institutionnelles et de la façon dont la clause de revoyure d’avril 2026 sera utilisée pour ajuster le texte avant sa mise en application à la fin de 2026.





