Lettre ouverte au Sénat : responsables et acteurs de terrain dénoncent la stigmatisation des musulmans, le sondage IFOP et l’instrumentalisation politique

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Des responsables musulmans, associations et acteurs de terrain ont écrit à Gérard Larcher pour dénoncer la « lassitude » face à la stigmatisation des Français de confession musulmane après la publication d’un rapport sénatorial sur la « lutte contre l’islamisme ». Ils fustigent aussi le sondage IFOP, dénoncent une instrumentalisation politique et demandent des politiques publiques plus prudentes et ancrées dans les réalités locales.

Des responsables du culte musulman, des acteurs associatifs et des intervenants de terrain ont adressé, mercredi 26 novembre, une lettre au président du Sénat pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « lassitude » face à la « stigmatisation » des Français de confession musulmane.

Un rapport sénatorial pointé du doigt

Les signataires prennent « acte de la publication récente du rapport de la commission sénatoriale consacrée à la ‘lutte contre l’islamisme’ ainsi que des propositions qui l’accompagnent », écrivent-ils dans leur courrier adressé à Gérard Larcher. Ce rapport, dévoilé mardi par des sénateurs Les Républicains (LR), propose une série de mesures pour lutter contre ce qu’il décrit comme un « entrisme islamiste ».

Parmi les préconisations évoquées figurent l’interdiction du port du voile et du jeûne pour les mineures avant 16 ans, des dispositifs dédiés à la lutte contre les mariages « forcés » et une affirmation accrue de la laïcité dans le sport. Les auteurs de la lettre estiment que ces propositions s’inscrivent dans une dynamique de répétition, qu’ils jugent préjudiciable pour les millions de citoyens français de confession musulmane.

« Lassés d’être décrits, analysés, disséqués »

Dans leur texte, les membres signataires expriment leur épuisement face à ce qu’ils perçoivent comme une instrumentalisation politique de la pratique cultuelle. « Cet énième rapport s’inscrit dans une séquence devenue tristement familière pour les millions de citoyens français de confession musulmane, celle d’une instrumentalisation politique systématique de leur pratique cultuelle », écrivent-ils, dénonçant un « climat préoccupant et une parole de stigmatisation qui se banalise ».

Ils ajoutent se sentir « lassés d’être décrits, analysés, disséqués par des personnes qui ne [les] connaissent pas ». La lettre cite également une « surenchère de publications sensationnalistes » et fustige « des rapports approximatifs, d’enquêtes manifestement biaisées et de sondages réducteurs », qui, selon eux, alimentent une suspicion généralisée à l’encontre des musulmans et, par ricochet, fragilisent la cohésion sociale.

Parmi les signataires figurent Najat Benali (Coordination des associations musulmanes de Paris), Bassirou Camara (Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans), Mohamed Ould Kerroubi (Conseil des Institutions musulmanes des Yvelines) et Abdenour Bastianelli (Conseil national des aumôneries musulmanes). Plusieurs d’entre eux sont membres du Forum de l’islam de France (Forif), instance composée d’acteurs de terrain désignés par les pouvoirs publics.

Le rôle du sondage IFOP dans la controverse

La lettre intervient dans un contexte marqué par la publication, le 18 novembre, d’un sondage IFOP intitulé « État des lieux du rapport à l’islam et à l’islamisme des musulmans de France ». Le sous-titre du document, qui évoque une tendance « entre réislamisation et tentation islamiste », a suscité un débat public et des interrogations sur la manière dont ces résultats sont interprétés.

Selon la lettre, ce type de production statistique contribue à une perception déformée de la réalité vécue au quotidien par les citoyens musulmans. Le texte signale que « certains spécialistes de l’islam » ont pointé des biais méthodologiques dans l’enquête IFOP, sans pour autant détailler ces critiques dans la lettre. Les auteurs mettent en garde contre une lecture qui ferait de ces sondages des instruments généralisateurs plutôt que des éléments d’analyse contextualisée.

Les signataires estiment que la multiplication d’analyses et d’enquêtes alarmistes nourrit « la peur de l’autre » et constitue, à leurs yeux, « une dérive grave pour nos principes républicains ».

Le message adressé au président du Sénat demande implicitement une prise en compte des réalités de terrain et une plus grande prudence dans l’élaboration et la communication des politiques publiques et des rapports parlementaires. Les signataires appellent, par là, à privilégier des approches fondées sur des connaissances locales et des partenariats avec les acteurs concernés plutôt que sur des diagnostics perçus comme imposés de l’extérieur.

Sur le plan politique et social, la lettre illustre une tension persistante entre des initiatives institutionnelles visant à répondre à des enjeux de sécurité et d’intégration, et la volonté de représentants communautaires de préserver la dignité et la place des personnes concernées dans l’espace public. Le courrier met en lumière la nécessité, pour les auteurs, d’un débat public moins polarisé et davantage ancré dans des éléments de réalité vérifiables.

Parlons Politique

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