Réseaux sociaux : pourquoi l’interdiction pour les moins de 16 ans divise l’Europe — âge, vérification d’identité et contraintes RGPD/DSA

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Le Parlement européen a adopté le 26 novembre une résolution pour renforcer la protection des mineurs en ligne, évoquant notamment l’interdiction d’un accès libre aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans. Entre impulsions nationales (France, Danemark, Australie), alertes d’ONG sur la santé mentale et contraintes juridiques (DSA, RGPD), la Commission propose des outils de vérification d’âge respectueux de la vie privée (prototype, eID) : le débat reste centré sur l’âge seuil et les solutions techniques pour une harmonisation européenne.

Le Parlement européen a adopté, le 26 novembre, une résolution appelant à des mesures plus strictes pour protéger les mineurs en ligne, dont l’idée d’une interdiction de l’accès libre aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans. Ce débat intervient après plusieurs mobilisations politiques et rapports d’alerte sur les effets des écrans et des contenus en ligne sur la santé mentale des enfants.

Une impulsion politique dans plusieurs capitales

En France, la question a été relancée par Emmanuel Macron dès le 10 juin, à la suite du meurtre d’un collégien de 14 ans à Nogent‑sur‑Seine (Haute‑Marne). Le président a réaffirmé sa volonté d' »interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans » en France si une règle européenne n’était pas adoptée « quelques mois » après. Déjà en juillet 2023, la loi française dite « Marcangeli » a instauré une majorité numérique à 15 ans afin de lutter contre la haine en ligne, mais plusieurs de ses dispositions attendent encore des actes d’application de la Commission européenne pour entrer pleinement en vigueur.

Sur le plan européen, la Commission a souligné en août 2023 que la loi française pouvait méconnaître certaines procédures et rester inapplicable tant qu’elle n’était pas harmonisée avec le Digital Services Act (DSA). L’exécutif européen préconise que le DSA oblige les réseaux sociaux à refuser toute création de compte sans vérification de l’âge. Clara Chappaz, ministre du Numérique, a insisté en mai dernier sur cette exigence.

Constats des autorités et alertes d’ONG

Des enquêtes officielles mettent en lumière l’âge d’entrée précoce des enfants sur les réseaux sociaux. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) estime que la première inscription intervient en moyenne vers 8 ans et demi, ce qui soulève de nombreuses questions sur l’opportunité et la mise en œuvre d’une majorité numérique.

Le 11 juin 2025, la fondation KidsRights a tiré la sonnette d’alarme en évoquant une « corrélation inquiétante » entre dégradation de la santé mentale des enfants et usage excessif, voire addictif, des réseaux sociaux. Le rapport cite l’Europe comme région où les enfants de 13 ans présentent le plus haut risque d’usage problématique, à hauteur de 13%.

Face à ces constats, les plateformes rappellent la difficulté technique et juridique de vérifier l’âge tout en respectant la vie privée. Olivier Ertzscheid, maître de conférences à l’université de Nantes, a déclaré à l’AFP en septembre 2024 : « On est obligé d’ouvrir une brèche dans le domaine du respect de la vie privée » pour établir une vérification d’âge fiable.

Solutions techniques et expérimentations européennes

Pour répondre à ces enjeux, la Commission européenne a présenté le 14 juillet un prototype d’application de vérification de l’âge destiné à offrir un contrôle renforcé de l’accès aux services numériques sensibles, tout en assurant la confidentialité des données personnelles. Ce prototype pourrait être disponible au printemps 2026, juste avant le déploiement attendu du portefeuille d’identité numérique européen (eID) prévu pour la fin 2026.

Cinq États participent à une phase de test. Le Danemark, la France, la Grèce, l’Italie et l’Espagne figurent parmi « les premiers à adopter la solution technique en vue d’intégrer dans leur portefeuille numérique national ou de publier une application nationale personnalisée de vérification de l’âge sur les boutiques d’applications », indique l’exécutif européen.

Le prototype prévoit que, lorsqu’un utilisateur active l’application, son âge sera vérifié par l’émetteur à l’aide de données personnelles détaillées, comme la date de naissance. Les services en ligne ne recevront, en revanche, qu’une preuve que l’utilisateur a plus de 18 ans, sans autres données personnelles. Les étapes de vérification et de présentation de la preuve seront assurées par des entités différentes. Le fournisseur de preuves ne sera pas informé des services dans lesquels la preuve est utilisée et chaque preuve ne pourra être réutilisée qu’une seule fois.

Approches nationales comparées et difficultés d’application

Plusieurs États proposent des mesures nationales plus strictes. Le Danemark a récemment proposé d’interdire l’usage de plusieurs réseaux sociaux aux moins de 15 ans. L’Australie est citée comme pionnière : elle a adopté en novembre 2024 l’interdiction d’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, avec une entrée en vigueur prévue le 10 décembre 2025. La Nouvelle‑Zélande et l’Espagne ont présenté des projets similaires.

Pourtant, l’unité européenne reste difficile à atteindre. Certains États membres soutiennent la proposition d’une interdiction uniforme à 16 ans, tandis que d’autres préconisent 15 ans ou des dispositifs de consentement parental dès 13 ans. L’UE rappelle que, en vertu de l’article 8 du RGPD, les pays peuvent fixer un âge minimum pour le traitement des données, à condition qu’il soit au moins de 13 ans.

Les autorités européennes insistent sur la nécessité d’obligations strictes pour les grandes plateformes, notamment l’identification des utilisateurs mineurs et le filtrage des contenus sensibles. La Commission a déjà lancé des enquêtes contre des géants du numérique pour des manquements présumés à la protection de la vie privée des mineurs.

En l’état, les propositions convergent vers une combinaison d’outils : rehausser l’âge minimum d’accès, développer des mécanismes de vérification d’âge respectueux de la vie privée, et imposer des obligations strictes aux plateformes. Reste à savoir si la pression politique et sociale suffira à contraindre l’ensemble des acteurs à appliquer, de manière harmonisée, des dispositifs efficaces pour protéger les enfants en ligne.

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