Jeudi 27 novembre, dans la soirée, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, par 127 voix contre 41, une proposition de loi portée par La France insoumise visant à nationaliser ArcelorMittal France. Le gouvernement s’est déclaré opposé à cette nationalisation, estimant que « la bataille se joue à Bruxelles ». Le leader de LFI, Jean‑Luc Mélenchon, a salué le vote sur X comme « une page d’histoire à l’Assemblée nationale ».
Le vote à l’Assemblée nationale et la suite parlementaire
Le texte a été voté avec le soutien des groupes de gauche et l’abstention du Rassemblement national. Il s’agit d’un vote en première lecture : l’issue reste incertaine puisque le projet doit désormais être examiné au Sénat, où la majorité est traditionnellement de droite et du centre. Dans cet hémicycle, il apparaîtra difficile pour le texte d’être adopté en l’état.
Les enjeux juridiques et politiques liés à une nationalisation sont évoqués dans les débats, mais le point central demeure la capacité du projet à franchir les différentes étapes législatives et, le cas échéant, à aboutir à un compromis entre les deux assemblées.
Mobilisation syndicale et soutien des salariés
À l’appel de la CGT, environ 200 salariés, déplacés en bus depuis les sites ArcelorMittal du Nord et de Moselle, ont manifesté le matin même sur l’esplanade des Invalides pour soutenir la proposition de loi. Des fumigènes ont été allumés et des pétards ont retenti à proximité de l’Assemblée nationale, selon les images et témoignages rapportés.
Lors des débats, la députée LFI Aurélie Trouvé a dénoncé la stratégie du groupe familial, affirmant que « la famille Mittal a mis la main sur les deux tiers de la production de l’acier français et ArcelorMittal est en train de délocaliser la production en Inde, aux États‑Unis, au Brésil ».
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a contesté les arguments financiers avancés par l’exécutif pour s’opposer à la nationalisation. « On nous dit [que] ça coûte très cher. Dix ans d’aides publiques, c’est la nationalisation d’Arcelor. Donc nous, nous sommes aussi là pour dire que cette politique du carnet de chèques (…) en blanc, il faut arrêter », a‑t‑elle déclaré, reprenant le fil des critiques syndicales sur l’usage des aides publiques.
Coûts, emplois et objections du gouvernement
Le groupe de gauche présente la nationalisation comme « l’unique solution » pour préserver la filière et ses 15 000 emplois directs, et pour contrer un plan social annoncé en avril. Aurélie Trouvé a mis en garde contre le risque de non‑rentabilité de l’acier français dès 2030 si la décarbonation des hauts‑fourneaux n’était pas relancée.
Chiffrée à trois milliards d’euros, l’opération de nationalisation rencontre l’opposition du gouvernement. Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a rappelé mercredi que « ce n’est pas parce que l’État va faire un chèque de 3 milliards (…) que l’on va changer la compétitivité ».
Pour le gouvernement, l’effort financier ne suffit pas : il faut aussi agir sur les importations. Roland Lescure a ainsi affirmé qu’il fallait « se protéger contre les invasions de produits, en l’occurrence venant de Chine », précisant avoir obtenu de la Commission européenne une enquête sur ce qu’il a qualifié de « dumping » et sur la possibilité d’une hausse des droits de douane.
Les débats opposent donc deux approches : d’un côté, la volonté de l’État et des syndicats de garantir la pérennité de la filière par un contrôle public ; de l’autre, la position de l’exécutif qui privilégie la réponse aux distorsions de concurrence à l’échelle européenne et la mise en place de protections commerciales.
À ce stade, l’avenir du texte dépendra de la navette parlementaire entre l’Assemblée et le Sénat et des choix politiques qui en découleront. Le calendrier et les éventuelles négociations inter‑assemblées détermineront si la proposition se transforme en loi ou reste une mesure rejetée ou amendée en seconde lecture.




