Semaine décisive pour Sébastien Lecornu : après un premier examen marqué par des remaniements et un rejet, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) retourne devant l’Assemblée nationale mardi 2 décembre pour une nouvelle lecture tendue. Ce texte budgétaire, présenté comme prioritaire par le gouvernement, sert de test politique pour le premier ministre qui a choisi la voie de la négociation plutôt que l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution.
Un calendrier parlementaire serré
Le PLFSS avait déjà subi des coups d’arrêt : profondément remanié au Sénat, il a été rejeté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le samedi 29 novembre. Une première lecture sous forte tension s’achève donc sur un échec partiel, et le retour en séance plénière mardi 2 décembre s’annonce crucial.
La suite du calendrier est lisible : si le budget de la « Sécu » est adopté d’ici au 9 décembre, notamment avec les voix du Parti socialiste (PS) — hypothèse qualifiée d’inédite par plusieurs interlocuteurs — le gouvernement pourrait enclencher une dynamique favorable pour l’examen du projet de loi de finances (PLF), examiné immédiatement après. En revanche, un rejet du PLFSS rendrait l’adoption du budget de l’État avant la fin de l’année quasi impossible, selon les acteurs parlementaires cités dans le dossier.
Une stratégie de négociation assumée
Sébastien Lecornu a clairement fait le pari du compromis. En renonçant volontairement à l’article 49.3, il a choisi de chercher des accords majoritaires plutôt que d’imposer le texte par procédure. Le premier ministre évoque en privé « une plaque de glace très fine » et qualifie la séquence de « moment de vérité » : des formules qui traduisent la précarité de sa marge de manœuvre.
La négociation conduite par Matignon s’est notamment traduite par des discussions rapprochées avec le PS et son premier secrétaire, Olivier Faure. Les deux hommes, que le texte qualifie d’anciens collaborateurs politiques souvent sous-estimés, ont développé une relation de confiance. Olivier Faure déclare : « C’est un pur politique, il est fiable, on parle la même langue. » De son côté, M. Lecornu souligne cette même « relation de confiance » et décrit Faure comme « dur » mais « calme », capable de « maîtriser ses nerfs ».
Au gouvernement, la méthode est défendue comme une façon d’éviter l’escalade. « La situation est difficile, on ne veut pas en rajouter », déclare le premier ministre au journal Le Monde, tandis que le premier secrétaire assure : « On partage une idée simple : le pays doit être gouverné. »
Blocages et critiques
La méthode choisie a néanmoins montré ses limites. Dans la nuit du 21 au 22 novembre, le volet « recettes » du PLF a été rejeté à l’Assemblée par l’unanimité des députés sauf un, signe d’un désaccord profond sur les moyens de financement. La proposition, soutenue par le PS en lien étroit avec Matignon, d’un « emprunt forcé » visant les plus riches n’a pas rencontré le succès attendu.
Cette série de rebondissements nourrit les critiques, notamment à droite de l’Hémicycle. Les adversaires de M. Lecornu reprochent au premier ministre de s’être placé dans une dépendance vis-à-vis des socialistes, en particulier depuis la suspension de la réforme des retraites à laquelle il avait consenti.
Pour illustrer le contraste, le texte rappelle qu’une autre personnalité, Michel Barnier, avait mis son sort entre les mains du Rassemblement national (RN) — manœuvre qui ne l’avait pas empêché d’être censuré. M. Lecornu, lui, privilégie la recherche d’un accord avec le PS plutôt qu’un rapprochement avec l’extrême droite.
Au-delà des enjeux immédiats du PLFSS, l’issue de cette séquence conditionnera en grande partie la capacité du gouvernement à mener à bien le PLF et, plus largement, sa crédibilité politique. Si l’adoption intervient d’ici au 9 décembre, la majorité de circonstance recherchée pourrait servir de base à la poursuite de la navette parlementaire. Si le PLFSS est rejeté, la méthode de négociation — et la stratégie personnelle de M. Lecornu — en sortiront affaiblies.
La session qui s’ouvre mardi 2 décembre sera donc scrutée à la fois pour ses conséquences budgétaires et pour le message politique qu’elle adressera au pays et aux forces parlementaires.





