Travail parlementaire et enjeu du vote
L’Assemblée nationale doit se prononcer, vendredi 5 décembre, sur la partie « recettes » du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, un vote décisif : le rejet de cette section entraînerait l’échec du texte dans son ensemble lors de cette nouvelle lecture.
La journée de jeudi a été dominée par d’intenses tractations entre le gouvernement et les députés, ponctuées de suspensions de séance et de discussions en coulisses. Le premier ministre, Sébastien Lecornu, a suivi de près les débats depuis le banc du gouvernement, multipliant les signes d’ouverture pour obtenir un vote favorable.
Pour accroître ses chances, l’exécutif a fait plusieurs concessions et présenté des ajustements sur des points sensibles, notamment les franchises médicales et le niveau des dépenses de l’assurance-maladie. Ces concessions visaient à rassembler des voix au sein d’une majorité fragilisée.
Compromis sur la CSG des revenus du capital et réactions
La principale controverse a porté sur la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux revenus du capital. Après avoir été approuvée en première lecture à l’Assemblée, cette mesure avait été supprimée par le Sénat, et elle faisait l’objet d’intenses négociations.
Le gouvernement a finalement déposé un amendement présenté comme visant à « sécuriser des recettes » et à « assurer que les classes moyennes ne soient pas impactées ». Le rendement attendu de cette mesure a été ramené à 1,5 milliard d’euros, contre 2,8 milliards prévus initialement.
L’amendement a été adopté par 177 voix contre 84, avec 92 abstentions. Le vote a provoqué des critiques de la droite et de l’extrême droite : Laurent Wauquiez, patron des députés Les Républicains, a lancé « Ne tapez pas l’épargne populaire des Français », tandis que Jean‑Philippe Tanguy (Rassemblement national) a dénoncé une taxe « qui va frapper plus durement un artisan à 2 000 euros qu’un multimillionnaire ».
Du côté de la gauche, la mesure était particulièrement attendue, même si certaines oppositions persistent sur d’autres sujets du texte.
Franchises médicales, Ondam et autres concessions
La ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, a reconnu l’absence de consensus sur le doublement des franchises médicales, c’est‑à‑dire l’augmentation du reste à charge pour les patients. Elle a précisé que « cette proposition (…) ne peut être incluse dans nos projections financières », sans toutefois exclure complètement l’éventualité d’un décret à l’avenir.
Sur l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (l’Ondam), le gouvernement a indiqué envisager une hausse « jusqu’à plus 2,5 % », contre environ 2 % prévu précédemment. La ministre a aussi dit vouloir « accompagner un compromis » sur la question dite de « l’année blanche » pour les retraites et les minima sociaux, relative à la non-indexation sur l’inflation.
Parallèlement, une note du ministère de la Santé distribuée aux députés a alerté sur un « risque très élevé sur le financement du système de protection sociale » en l’absence d’adoption du budget. Cette mise en garde a suscité des réactions vives de la part de La France insoumise et du Rassemblement national, qui ont accusé le gouvernement de jouer sur les « peurs ».
Tensions dans la majorité et calendrier
La majorité reste divisée. Les groupes Horizons et Les Républicains ont exprimé leur désaccord sur plusieurs concessions faites au Parti socialiste, dont la suspension de la réforme des retraites. Édouard Philippe, chef des députés Horizons, a affirmé qu’« on ne peut pas voter pour » l’état actuel du texte, le groupe hésitant entre abstention et vote contre.
Pressé par des figures de la droite et du centre, ainsi que par le président (LR) du Sénat Gérard Larcher, d’activer l’article 49.3 de la Constitution, le premier ministre a exclu à nouveau ce recours. Il a répondu aux critiques en déclarant : « Vous avez critiqué le 49.3 pendant des années et, au moment où nous le laissons tomber, vous continuez de critiquer ».
Sébastien Lecornu a insisté sur l’importance d’un accord, avertissant qu’en l’absence de texte la Sécurité sociale pourrait afficher un déficit de « 29 milliards ou 30 milliards » d’euros en 2026, alors que le gouvernement vise à le contenir autour de 20 milliards.
Le scrutin sur l’ensemble du projet de loi est prévu le 9 décembre. Son rejet rendrait difficile, voire improbable, l’adoption du budget de la Sécurité sociale au Parlement avant la fin de l’année.
Pendant ce temps, au Sénat, la partie « recettes » du projet de budget de l’État pour 2026 a été adoptée après de larges remaniements, le Sénat ayant notamment supprimé plusieurs milliards d’euros de hausses de prélèvements par rapport à la version initiale du gouvernement.
Le sort du projet de loi dépend désormais des tractations de dernière minute et des arbitrages entre groupes parlementaires, au terme d’une semaine de débats marquée par des concessions partielles et des divisions persistantes au sein de la majorité.





