Mercredi 10 décembre, la Plateforme progressiste — lancée en juillet par l’eurodéputé Renew Pascal Canfin — a publié le rapport issu de sa première « conférence de consensus ». Cet exercice citoyen visait à déterminer, au sein de l’arc progressiste, une « trajectoire pluriannuelle consensuelle » permettant de rendre la dette publique soutenable.
L’initiative, qualifiée d’inédite par ses organisateurs, a réuni 150 citoyens se reconnaissant dans des valeurs progressistes. Ceux-ci ont été invités à travailler sous une contrainte chiffrée : réduire le déficit budgétaire de 110 milliards d’euros en sept ans, hors charge d’intérêts, afin de stabiliser la dette et d’éviter une hausse incontrôlée du coût de son service.
Méthode et cadre du débat
Les participants ont examiné des mesures planifiées sur le moyen et le long terme — sans que le rapport publicise ici la liste détaillée des propositions — présentées pour favoriser un ajustement progressif. « Un ajustement progressif pour respecter le pacte de stabilité européen et ne pas tout perturber d’un coup », explique Pascal Canfin, qui a piloté la plateforme.
Le principe adopté vise à lisser l’effort budgétaire sur plusieurs années, plutôt que d’imposer des coupes immédiates et massives. Selon les organisateurs, ce calibrage devait permettre de concilier deux objectifs : ramener le déficit vers une trajectoire soutenable et limiter les effets économiques et sociaux d’un ajustement trop brusque.
Une démarche citoyenne encadrée par des économistes
Le projet a mobilisé des expertises et des personnalités du monde économique et public, parmi lesquelles figure Jean Pisani‑Ferry, ancien commissaire de France Stratégie et coauteur du programme d’Emmanuel Macron en 2017. M. Pisani‑Ferry a soutenu l’approche de la plateforme, estimant que la délibération citoyenne pouvait éclairer la décision publique.
Dans Le Monde, l’économiste déclarait que « la discussion budgétaire gagnerait en clarté si le Parlement commençait par fixer des cibles de moyen terme » et qu’elle « mériterait d’être éclairée par une délibération citoyenne ». Ces propos traduisent l’un des objectifs affichés de la conférence : associer directement des citoyens à la définition d’objectifs macroéconomiques et à l’arbitrage entre priorités d’investissement, dépenses publiques et maîtrise du déficit.
Les auteurs du rapport ont cherché à maintenir un équilibre délicat entre technicité et pédagogie. Les mesures ont été présentées comme des scénarios pouvant être combinés et phasés dans le temps, afin de permettre aux participants d’évaluer leurs effets à horizon pluriannuel.
Enjeux et limites de l’exercice
L’initiative met en lumière plusieurs tensions classiques de la gouvernance budgétaire : la nécessité de réduire durablement le déficit, la contrainte européenne incarnée par le pacte de stabilité, et la volonté de protéger la croissance et la cohésion sociale. La contrainte chiffrée — 110 milliards sur sept ans, hors charge d’intérêts — sert de borne pour les débats, mais ne dit rien des choix précis opérés entre catégories de dépenses.
Par ailleurs, la portée politique et opérationnelle d’une conférence citoyenne dépendra de la manière dont ses conclusions seront prises en compte par les partis et par le Parlement. Le rapport vise à éclairer une trajectoire consensuelle au sein de l’arc progressiste, mais sa traduction en décisions publiques requiert des arbitrages politiques supplémentaires.
Enfin, si l’exercice se veut novateur par son ouverture à la délibération populaire, il reste soumis à des contraintes techniques : modélisation des impacts, hypothèses macroéconomiques et limites de prévision. Le rapport — tel que rendu public — ne remplace pas l’évaluation indépendante d’instances spécialisées, mais il contribue à enrichir le débat démocratique autour de la soutenabilité des finances publiques.
En rassemblant des citoyens autour d’objectifs chiffrés et d’un calendrier pluriannuel, la Plateforme progressiste propose une méthode pour rendre plus compréhensible et plus collective une question souvent cantonnée aux cercles d’experts. Le succès de cette approche dépendra de sa capacité à influer sur les choix politiques et à concilier exigence budgétaire et acceptabilité sociale.





