Les Cahiers de la justice réhabilitent l’État de droit face aux attaques d’extrême droite et aux accusations d’un gouvernement des juges — dossier 2025

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Face aux accusations populistes d’un « gouvernement des juges », les Cahiers de la justice consacrent leur dernier numéro à l’État de droit. Le dossier 2025 replace la notion dans son histoire — de la Magna Carta à la jurisprudence de la CEDH — et défend l’équilibre entre contrôle juridictionnel, éthique des magistrats et légitimité démocratique.

La dénonciation d’un « gouvernement » des juges s’est installée comme l’un des refrains des mouvances populistes en Europe. Face à cette critique récurrente, la revue trimestrielle de l’École nationale de la magistrature a consacré son dernier numéro de l’année 2025 à l’État de droit, afin d’en préciser les enjeux et les définitions contemporaines.

Un rappel historique et constitutionnel

Dans son éditorial, Denis Salas — directeur scientifique des Cahiers de la justice, magistrat et essayiste — rappelle la place centrale de l’État de droit. « L’État de droit est au cœur du récit fondateur de notre Constitution mais aussi de l’Europe et des Nations unies depuis 1945 », écrit-il, soulignant que cette notion n’est pas un détail procédural mais un pilier des démocraties modernes.

Le dossier cherche à resituer la notion dans son histoire longue. Le philosophe Bruno Bernardi y retrace la genèse conceptuelle des traditions allemandes, anglaises et françaises — le Rechtsstaat, la rule of law et l’État de droit — en remontant aux premiers jalons symboliques de ces systèmes juridiques.

Milestones juridiques et tensions conceptuelles

Bernardi évoque plusieurs textes fondateurs: la Magna Carta de 1215, la Petition of Right de 1628, l’Habeas Corpus Act de 1679 et le Bill of Rights de 1689. Ces étapes servent à montrer comment, dans des contextes différents, se sont forgées des garanties contre l’arbitraire et des mécanismes de contrôle du pouvoir.

L’auteur souligne une tension mise en lumière au XXe siècle. « Le XXe siècle a mis en évidence la double impossibilité de penser la démocratie sans l’État de droit comme régulation du pouvoir politique et l’État de droit sans la démocratie comme source du droit positif. » Cette formulation traduit la nécessité d’un équilibre: l’État de droit organise et limite le pouvoir, tandis que la démocratie légitime la production du droit.

L’Éthique des magistrats et la Cour européenne des droits de l’homme

La question de l’éthique judiciaire occupe également une place dans le numéro. Dans une contribution consacrée à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le juriste Mustapha Afroukh s’attache à déconstruire certaines critiques politiques visant l’institution de Strasbourg.

Afroukh réfute l’idée, soutenue par l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, selon laquelle les juges de la CEDH incarneraient un « impossibilisme juridique » en contradiction avec le principe de souveraineté populaire. Qualifiant cette position de « non-sens », le professeur de droit rappelle que la jurisprudence européenne prend en compte l’intérêt général, la démocratie politique et le rôle des législateurs nationaux.

S’appuyant, écrit-il, sur de nombreux arrêts, Mustapha Afroukh montre que le contrôle juridictionnel exercé par la Cour ne consiste pas à supplanter les autorités nationales, mais à vérifier la conformité des mesures aux droits garantis par la Convention européenne. Selon cette lecture, la Cour agit dans un cadre de dialogue entre juges et pouvoirs politiques plutôt que par confrontation systématique.

La revue, en regroupant ces analyses, propose ainsi une réponse intellectuelle à des attaques politiques qui réduisent le débat à des slogans. Elle invite à distinguer les critiques légitimes de pratiques judiciaires des arguments généraux qui remettent en cause, au fond, des principes protecteurs des libertés.

En proposant une mise en perspective historique et une lecture juridique de la jurisprudence européenne, le numéro vise à replacer l’État de droit au centre des débats publics sans céder au simplisme. Les contributions insistent sur la nécessité d’un équilibre entre contrôle juridictionnel et respect des choix démocratiques, point central pour comprendre la crise de confiance actuelle.

La lecture de ce dossier permet de saisir que l’affrontement entre souveraineté démocratique et protection des droits ne se résout pas par des slogans, mais par des discussions juridiques et politiques articulées autour de principes historiques et de décisions de justice.

Parlons Politique

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