Manifestations et barrages se multiplient dans le Sud-Ouest, où des éleveurs de bovins intensifient la pression avant la venue, lundi, de la ministre de l’agriculture en Occitanie. Un blocage de Bordeaux est prévu dimanche 14 décembre en soirée, selon les organisateurs, qui dénoncent la gestion gouvernementale de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
Mouvements répartis sur plusieurs axes routiers
Sur l’A64, des dizaines de tracteurs ont bloqué la circulation depuis vendredi soir sur plus d’une centaine de kilomètres, du Pays basque à l’est de Tarbes. Des agriculteurs mobilisés y ont installé des sapins de Noël, signe de leur intention de maintenir l’action durant la période des fêtes. « On est partis pour passer les fêtes ici », a déclaré à l’AFP Cédric Baron, éleveur à Montoussin (Haute-Garonne), présent à Carbonne.
D’autres points de blocage ont été signalés : une cinquantaine d’agriculteurs obstruent la nationale N88 à l’entrée de la rocade d’Albi (Tarn), tandis qu’à Millau une vingtaine de tracteurs ont déversé lisier, foin, pneus et déchets devant la sous-préfecture de l’Aveyron, selon un photographe de l’AFP.
Des rassemblements ont aussi eu lieu près de Montpellier et à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). De nouveaux appels au blocage ont été annoncés pour la soirée à Bordeaux et en Dordogne.
Revendiations : vaccination généralisée et refus de l’abattage massif
Les syndicats et collectifs d’éleveurs, notamment la Coordination rurale et la Confédération paysanne, s’opposent à l’abattage généralisé des troupeaux touchés et réclament une vaccination large du cheptel national, estimé à 16 millions de bovins.
« Il y a des nouveaux blocages en cours (…) ça continue et ça se développe », a déclaré Bertrand Venteau, président de la Coordination rurale, qui plaide pour la vaccination. Selon M. Venteau, « c’est maintenant que la vaccination doit se décréter, sinon on va avoir un drame dans moins d’un mois » et « tout le sud de la Loire sera contaminé ».
Face à ces demandes, plusieurs éleveurs ont exprimé leur colère et leur désarroi. « Quand il y a une bête malade, tout le monde est d’accord pour l’abattre, mais tuer des troupeaux entiers, alors qu’il faut des années pour monter une génétique et monter un troupeau, on est totalement contre », a dit à l’AFP Christophe Guénon, éleveur et maraîcher bio près de Bordeaux.
Par ailleurs, sur les barrages, des manifestants se disent « choqués » par l’usage de gaz lacrymogènes par les gendarmes en milieu de semaine en Ariège, lors de l’intervention pour empêcher l’accès des vétérinaires à une ferme touchée par le premier cas local de DNC.
La position du gouvernement et les arguments sanitaires et économiques
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, soutenue par l’alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs, défend un protocole combinant abattage des bêtes infectées et vaccination ciblée. Elle a affirmé au quotidien Sud Ouest qu’il n’existait « aucun foyer actif de DNC sur le territoire français ».
Annoncée pour lundi, sa visite en Occitanie doit permettre « d’assister aux débuts de la vaccination sur ce territoire » pour un million de bêtes, a-t-elle indiqué, estimant que la vaccination locale reste « le chemin pour lutter contre la maladie ».
Le gouvernement appelle cependant à la prudence avant une vaccination généralisée. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie, a expliqué au « Grand Jury » que vacciner l’ensemble du cheptel placerait la France « comme une zone à risque » et ferait peser « un risque économique » sur la filière en limitant les exportations.
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a défendu la stratégie actuelle comme « la plus efficace » et non politique. Elle a rappelé que la décision avait été concertée depuis juillet dernier avec un « parlement sanitaire » comprenant vétérinaires, éleveurs, chambres d’agriculture, organisations syndicales, services de l’État et l’Anses. Elle a aussi chiffré l’impact sanitaire : « Il y a 3 000 bêtes qui ont été abattues depuis le début de cette maladie… mais pour autant, c’est 0,02 % du cheptel français et ça permet de protéger les autres. »
Tensions politiques régionales et autres enjeux
La présidente de la région Occitanie, Carole Delga (Parti socialiste), a adressé une lettre ouverte au premier ministre — nommément cité dans son courrier comme Sébastien Lecornu — demandant une intervention rapide pour « garantir un dialogue franc et sincère avec les agriculteurs ». Dans cette lettre, Mme Delga évoque « l’indignation et la colère » face à la gestion de la crise et au « désespoir d’un peuple ».
Outre les questions sanitaires, les mobilisations agricoles se nourrissent d’autres dossiers sensibles, parmi lesquels les accords commerciaux du Mercosur et la baisse annoncée du budget de la politique agricole commune (PAC), qui accentuent le sentiment d’urgence au sein des campagnes.
La situation reste tendue alors que se multiplient les blocages et que la campagne de vaccination ciblée débute en Occitanie, au moment même où les éleveurs réclament une réponse plus large du gouvernement.





