Sans surprise, l’Assemblée nationale devrait adopter définitivement, mardi 16 décembre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, sauf retournement de situation. La logique parlementaire plaide en ce sens : les députés avaient déjà voté le texte en ce sens lors de la seconde lecture du 9 décembre.
Après deux mois de négociations tendues, le gouvernement — conduit par le chef du gouvernement, Sébastien Lecornu — a réussi à forger une majorité de circonstance autour du PLFSS en concédant plusieurs aménagements importants. L’un de ces compromis a joué un rôle déterminant pour rallier le Parti socialiste (PS) : la « suspension » de la réforme des retraites promulguée en 2023.
Concessions et équilibres parlementaires
Le processus législatif qui a mené à cette phase finale du PLFSS a été marqué par des concessions ciblées destinées à élargir la base de soutien du texte. Le gouvernement a accepté des ajustements significatifs pour convaincre des groupes parlementaires réticents, ce qui a permis de compenser l’absence d’une majorité de long terme.
La suspension décidée sur la réforme des retraites de 2023 apparaît comme la concession majeure. Cette réforme, adoptée le 14 avril 2023, prévoit notamment le report graduel de l’âge d’ouverture des droits à pension de 62 à 64 ans. Dans le PLFSS pour 2026, ce relèvement est interrompu jusqu’en 2028, puis doit reprendre selon un nouveau calendrier inscrit dans le texte adopté.
Réactions syndicales et politiques
La suspension a été accueillie de manière contrastée sur la scène politique et sociale. Pour certains acteurs, politiques comme syndicaux, elle constitue une victoire politique et sociale ; pour d’autres, elle ne fait que différer une inversion de paramètres qui reste inscrite dans la loi.
Exprimant cette lecture, Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a déclaré dans un entretien publié le 4 décembre par le quotidien Les Echos que la loi du 14 avril 2023 « est enterrée, finie ». Cette formulation traduit l’espoir, du côté de cette organisation, que la suspension puisse ouvrir la voie à l’abandon définitif de la réforme.
Cependant, le texte du PLFSS stipule clairement que le relèvement de l’âge d’ouverture des droits, bien que provisoirement interrompu, doit reprendre par la suite selon un nouveau calendrier. Cette disposition laisse subsister une incertitude : la suspension est réelle dans l’immédiat, mais la reprise future est programmée contractuellement dans le projet adopté.
Sur le plan politique, la manœuvre d’alliances construites par le gouvernement illustre la logique des majorités de circonstance : pour obtenir l’aval d’une assemblée divisée, des concessions ponctuelles peuvent suffire à rassembler des voix disparates. Le ralliement du PS a été notable dans ce schéma, puisque ce parti avait exprimé une forte opposition à la réforme des retraites lors de son adoption initiale.
Conséquences et horizon
À court terme, l’adoption du PLFSS pour 2026 met fin à l’imbroglio législatif autour du budget de la Sécurité sociale pour l’année à venir. Elle clarifie également le calendrier politique immédiat en apportant une solution partielle à la contestation sociale liée aux retraites.
À moyen et long terme, les implications restent floues. La suspension jusqu’en 2028 offre un répit, mais le mécanisme prévoyant la reprise ultérieure du relèvement de l’âge laisse ouverte la possibilité d’une remise en cause juridique ou politique de la réforme. Les acteurs syndicaux et politiques continueront vraisemblablement à surveiller l’application du nouveau calendrier inscrit dans le PLFSS.
En l’état, la décision prise au Parlement illustre la capacité des majorités gouvernementales à négocier des compromis qui modifient temporairement l’application d’un texte tout en préservant certains objectifs structurels du projet initial. Le débat sur la pérennité ou l’abandon définitif de la réforme de 2023 devrait continuer d’alimenter la scène politique et sociale dans les mois et années à venir.
Enfin, si certains acteurs — comme la CFDT — interprètent la suspension comme l’enterrement de la loi, le texte adopté rappelle qu’une partie des paramètres restera susceptible d’être activée plus tard, conformément au calendrier inscrit dans le PLFSS.





