Agriculteurs en colère et manifestations à Bruxelles : pourquoi l’accord UE‑Mercosur menace la PAC, les élevages, les normes et inquiète sur la déforestation

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Les mobilisations d’agriculteurs, amplifiées par la gestion de la DNC, ont culminé le 18 décembre à Bruxelles contre l’accord UE‑Mercosur, perçu comme une menace pour la PAC et la compétitivité des élevages européens. Le traité — ouvrant massivement les importations (990 000 t de viande bovine, 600 000 t de riz…) — suscite des craintes sur les normes, la déforestation et la pression sur les prix ; la Commission propose des clauses de sauvegarde activables en 21 jours, jugées toutefois insuffisantes par syndicats et États.

Un mouvement de protestation récurrent

Depuis deux ans, les mobilisations d’agriculteurs en France et en Europe se multiplient, alimentées tant par des préoccupations sanitaires que par des craintes économiques. Le récent déclencheur a été la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), mais la colère se tourne désormais aussi contre l’accord de libre‑échange conclu entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay — la Bolivie État associé n’étant pas intégré à l’accord).

Jeudi 18 décembre, près de 10 000 agriculteurs européens étaient attendus à Bruxelles, en marge d’un sommet réunissant chefs d’État et de gouvernement appelés à valider l’accord avec le Mercosur. Pour les manifestants, l’occasion sert à répéter leur opposition au traité et à réclamer des garanties sur le futur budget européen alloué à la politique agricole commune (PAC).

Que prévoit l’accord et pourquoi il inquiète

Le texte commercial prévoit la suppression de plus de 90 % des droits de douane entre le Mercosur et l’Union européenne. Concrètement, cela ouvrirait la voie à l’importation de volumes significatifs de produits sud‑américains vers l’Europe sur la base de quotas spécifiques : par exemple 990 000 tonnes de viande bovine par an à un taux préférentiel de 7,5 %, 600 000 tonnes de riz et 450 000 tonnes de miel sans obstacles tarifaires.

Du côté européen, ces flux sont perçus comme susceptibles de créer une concurrence jugée déloyale. Les détracteurs avancent que les normes environnementales et sociales sont moins strictes dans plusieurs pays du Mercosur. Une résolution sénatoriale, adoptée le 16 janvier 2024, pointait notamment les risques d’afflux de produits issus de pratiques contestées : volailles traitées aux antibiotiques, maïs traité à l’atrazine, ou bœuf lié à la déforestation.

L’Institut de l’élevage (Idele) estimait dans une note publiée en novembre 2024 que « les coûts de production en élevages bovins via viande du Mercosur étaient inférieurs en moyenne de 40 % à ceux des élevages européens, et même de près de 60 % pour les fermes brésiliennes ». Ces écarts de coûts alimentent la crainte d’une pression à la baisse sur les prix et les volumes pour les producteurs européens.

Arguments de la Commission et mesures proposées

Pour la Commission européenne, l’impact quantitatif de certains plafonds d’importation reste limité à l’échelle de la consommation européenne : le contingent de 990 000 tonnes de viande bovine représenterait 1,2 % de la consommation en 2019 et était estimé à 1,6 % en 2024. Néanmoins, ces chiffres n’apaisent pas les opposants qui insistent sur la nature et la valeur ajoutée des morceaux importés.

Face aux critiques, la Commission a intégré des « clauses de sauvegarde » censées limiter les perturbations des marchés agricoles. Le mécanisme proposé le 3 septembre 2025 prévoit des seuils d’alerte sur les importations et la possibilité d’activer, sous 21 jours, des mesures correctives si une hausse soudaine des volumes menace les producteurs européens. Adopté par les eurodéputés le 16 décembre 2025, le dispositif doit désormais faire l’objet d’un accord entre les États membres.

Gagnants, perdants et équilibres à trouver

Les syndicats agricoles et une large part de la classe politique en France dénoncent l’insuffisance de ces sauvegardes. La Confédération paysanne a qualifié le filet de sécurité de « largement insuffisant », tandis que Matignon a rappelé l’importance d’exigences sur les pesticides et l’alimentation animale pour garantir le respect des normes environnementales.

Si les éleveurs bovins et volaillers craignent des pertes de parts de marché, d’autres filières pourraient, elles, tirer profit de l’ouverture. Vins, spiritueux, fromages, ainsi que certains producteurs d’huile d’olive en Espagne et en Italie pourraient trouver de nouvelles opportunités commerciales. Le Copa, regroupant les syndicats agricoles majoritaires européens, appelle néanmoins à revoir le projet et à défendre des standards rigoureux pour préserver la compétitivité et la durabilité des filières.

En pratique, plusieurs États — dont la France — ont cherché à rallier des partenaires pour constituer une minorité de blocage au sein de l’Union européenne. Avant d’envisager une demande officielle de report du vote des États membres sur la ratification, des premiers éléments de réponse sont attendus lors du Conseil européen du 18 décembre, où la validation politique de l’accord et de ses mécanismes de sauvegarde fait l’objet d’intenses négociations.

Parlons Politique

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