Emmanuel Macron, silencieux depuis l’été alors que le paysage politique français basculait dans le chaos, a rompu son mutisme lundi 13 octobre sur le tarmac de l’aéroport de Charm El-Cheikh, en Égypte.
La veille au soir, un second gouvernement Lecornu avait été nommé, une semaine après la chute du premier. À 5 000 kilomètres de Paris, le chef de l’État a livré des propos directs à l’encontre de la classe politique française : « Les forces politiques (…) sont les seules responsables de ce désordre ». De son « Aventin », il a visé sans les nommer « ceux qui ont nourri la division, les spéculations », et estimé qu’ils « n’ont pas été au niveau du moment ». Il a conclu : « Je souhaite que le pays puisse avancer dans l’apaisement, la stabilité, l’exigence et le service des Français », avant d’assister au « sommet pour la paix » à Gaza.
Un discours depuis l’étranger
Le cadre de l’intervention — un aéroport étranger, la veille d’un sommet international — a renforcé la portée symbolique du message présidentiel. En choisissant de parler depuis Charm El-Cheikh, le président a mis en lumière la dichotomie entre un agenda extérieur et une crise politique intérieure, déjà marquée par la démission puis la recomposition rapide du gouvernement.
Le recours à l’image de l’Aventin, allusion historique à une prise de distance politique, a été employé pour souligner un point : selon ses mots, la responsabilité du désordre incombe avant tout aux acteurs politiques eux-mêmes. Le chef de l’État a ainsi mêlé condamnation des divisions et appel à l’apaisement, tout en se montrant sévère sur l’attitude de certaines forces politiques qu’il juge incapables, à ses yeux, de répondre « au niveau du moment ».
Des réactions vives à Paris
Les déclarations ont suscité des réactions immédiates et parfois hostiles au sein de l’échiquier politique. Plusieurs responsables ont exprimé leur indignation, estimant que la prise de parole était malvenue et qu’elle alimentait plutôt les tensions.
Un de ses anciens ministres a résumé cette critique de manière tranchée : « Il voudrait jeter de l’huile sur le feu, il ne s’y prendrait pas autrement ». De son côté, le député Harold Huwart (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, LIOT), élu d’Eure-et-Loir, a jugé que « Parler avec autant de désinvolture de la représentation nationale est indigne d’un président et choquant pour tout républicain ». Il a ajouté que « Les oppositions sont dans leur rôle quand elles défendent leurs convictions », rappelant le cadre démocratique dans lequel s’inscrivent débats et critiques.
Patrick Vignal, ancien député macroniste de l’Hérault et désormais porte-parole de Renaissance, a exprimé une réaction plus personnelle : « Quand il ne parle pas, on le lui reproche ; et quand il parle, on le déteste ! » Ces mots traduisent la difficulté d’équilibrer silence et intervention dans un climat politique polarisé.
Signification et enjeux
Ce passage à la parole du président souligne plusieurs enjeux. D’une part, il marque la volonté de Macron de désigner des responsables internes plutôt que d’attribuer la crise à des facteurs externes. D’autre part, il révèle la délicate posture d’un chef de l’État qui doit concilier une action diplomatique internationale et une gouvernance domestique troublée.
Les critiques portant sur le choix du moment et du lieu montrent que la communication présidentielle influence autant le contenu que la réception du message. Dans un contexte où le remaniement gouvernemental s’est opéré en deux temps — chute d’un premier cabinet suivie de la nomination d’un second — chaque mot prononcé, et le cadre de sa prononciation, deviennent susceptibles d’amplifier ou d’apaiser les tensions.
En dépit des reproches, le président a prononcé un souhait explicite : faire avancer le pays « dans l’apaisement, la stabilité, l’exigence et le service des Français ». Cette formule synthétise ses objectifs affichés, tout en laissant ouverte la manière dont les acteurs politiques eux-mêmes interpréteront et mettront en œuvre cet appel.
À l’issue de son intervention, Emmanuel Macron s’est rendu au « sommet pour la paix » à Gaza, participant ainsi à une échéance diplomatique internationale tout en restant au cœur d’une polémique nationale.