Le président de la République a demandé à la présidente de la Commission européenne un « report de l’examen de l’accord » de libre‑échange avec les pays du Mercosur, a indiqué l’entourage d’Emmanuel Macron à l’Agence France‑Presse, dimanche 14 décembre.
Demande officielle de report et positions gouvernementales
Selon cette source, « Sur le Mercosur, le président de la République constate qu’à ce stade le compte n’y est pas pour protéger les agriculteurs français. Les exigences françaises n’ont pas été remplies. Aussi, en relais de la position du gouvernement, il a demandé à la présidente de la Commission un report de l’examen de l’accord ».
Matignon avait auparavant précisé, dans un communiqué, que la France demandait à l’Union européenne de repousser les « échéances » prévues cette semaine pour la signature de cet accord de libre‑échange, estimant que « les conditions [n’étaient] pas réunies pour un quelconque vote » des États membres.
« La France demande que les échéances de décembre soient repoussées pour continuer le travail et obtenir les mesures de protection légitimes de notre agriculture européenne », expliquait le communiqué de Matignon, citant la nécessité d’un complément de garanties pour les filières agricoles.
Calendrier européen et initiative de la Commission
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, souhaitait parapher ce traité avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay samedi lors du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu, au Brésil. La Commission devait préalablement obtenir le feu vert des États membres de l’Union européenne dans la même semaine, « entre mardi et vendredi », pour autoriser la signature.
Le gouvernement français a estimé qu’il était « clair dans ce contexte que les conditions ne sont pas réunies pour un quelconque vote (des États européens) sur une autorisation de signature de l’accord », a encore averti Matignon.
Les demandes françaises : sauvegardes et « mesures‑miroir »
Paris exige que l’accord soit assorti de clauses de sauvegarde destinées à protéger « les filières de production agricole de toute perturbation de marché ». Matignon a également rappelé l’exigence de « mesures‑miroir notamment sur les pesticides et l’alimentation animale, afin que les produits importés entrant sur le marché intérieur respectent impérativement les normes environnementales ».
Avant tout vote, les Vingt‑Sept attendaient un avis du Parlement européen, programmé le 16 décembre, portant sur des mesures de sauvegarde censées rassurer les agriculteurs, particulièrement mobilisés en France contre le texte.
La Commission européenne avait annoncé en septembre un dispositif de « suivi renforcé » pour certains produits agricoles susceptibles d’être affectés par l’ouverture des échanges : viande bovine, volaille, riz, miel, œufs, ail, éthanol et sucre. Elle s’était engagée à intervenir si une déstabilisation du marché était constatée.
Contexte politique et tensions dans les campagnes
Si l’accord UE‑Mercosur était approuvé, il créerait un marché commun de 722 millions d’habitants, un chiffre souvent rappelé par les institutions européennes pour en souligner l’ampleur économique.
La contestation des agriculteurs français se conjugue par ailleurs avec une colère lancée sur d’autres dossiers agricoles. Face à la montée des tensions, l’entourage du président Macron a indiqué que le chef de l’État suivait « au plus près la situation des agriculteurs et les sout[enait] comme il le fait depuis le premier jour ». « Sa seule boussole : protéger ceux qui nous nourrissent et qui, pour beaucoup, éprouvent une grande souffrance », ajoute la même source.
Ces déclarations interviennent alors que des difficultés liées, selon le texte d’origine, à la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) alimentent également l’inquiétude des éleveurs et des filières.
Conséquences et incertitudes
La demande française de reporter l’examen de l’accord repousse la décision politique attendue à Bruxelles et complique le calendrier de la signature au sommet du Mercosur. Elle met en évidence la nécessité d’un compromis entre ambitions commerciales et exigences sanitaires et environnementales portées par certains États membres.
À ce stade, la position française dépend de la réception par Bruxelles des garanties demandées et de l’issue du vote du Parlement européen prévu le 16 décembre sur les mesures de sauvegarde. L’issue du processus doit encore être confirmée par les institutions concernées et les États membres.
Dans ce dossier sensible, la France campe sur des exigences précises visant à préserver ses filières agricoles, tandis que la Commission poursuit son calendrier pour tenter de finaliser un accord qui engagerait un vaste espace commercial transatlantique.





