Adoption symbolique à l’Assemblée (185‑184) : comment la victoire du RN révèle la porosité de la droite, la faiblesse de la majorité et la normalisation sur la migration

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Adoptée à l’Assemblée nationale à une voix d’écart (185‑184), la résolution du Rassemblement national contre l’accord franco‑algérien de 1968 est une victoire essentiellement symbolique — non contraignante juridiquement — mais politique : première adoption d’un texte RN à l’hémicycle, révélant la porosité d’une partie de la droite, la faiblesse de la majorité et le risque de normalisation du RN sur la question migratoire.

La proclamation par Marine Le Pen d’« une journée historique » pour le Rassemblement national (RN) mérite d’être nuancée. Adoptée jeudi 30 octobre à l’Assemblée nationale, la proposition de résolution portée par le groupe RN vise à dénoncer l’accord franco‑algérien de 1968, mais n’a pas de valeur contraignante: elle ne lie pas juridiquement le gouvernement et ne l’oblige pas à changer la situation légale existante.

Une victoire essentiellement symbolique

Sur le plan symbolique toutefois, le RN a remporté une victoire notable. C’est la première fois qu’un texte promu par ce groupe est adopté dans l’hémicycle du Palais‑Bourbon. Le scrutin s’est joué à une marge extrêmement courte: 185 voix contre 184.

Le texte a obtenu, selon le compte rendu des débats, l’appui de « la moitié des groupes de la Droite républicaine et d’Horizons ». Ce résultat souligne une recomposition ou, à tout le moins, une porosité des lignes entre l’extrême droite et certains pans de la droite parlementaire sur la question migratoire.

Pourquoi l’accord de 1968 focalise les tensions

Signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’accord de 1968 contient des clauses spécifiques relatives à la circulation, à l’immigration et au séjour des ressortissants algériens en France. Celles‑ci en ont fait un point de fixation pour les acteurs politiques et les électeurs qui estiment que les flux migratoires en provenance du Maghreb sont trop importants ou que les autorités françaises sont insuffisantes vis‑à‑vis du gouvernement algérien.

Ce travail de cristallisation sur un texte ancien a été relayé au‑delà des cercles de l’extrême droite. L’ancien Premier ministre Édouard Philippe a, en 2023, préconisé un réexamen de cet accord, et Les Républicains l’ont porté activement. Bruno Retailleau a, de son côté, fait de cette question l’un des éléments les plus spectaculaires de son affrontement politique avec l’exécutif, sans parvenir à fournir, dans le débat public, une démonstration claire de l’efficacité d’une politique plus ferme sur l’immigration.

Faiblesse de la mobilisation présidentielle et réactions de la gauche

La faible mobilisation des députés macronistes pendant les débats interroge. Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République, était absent de l’Assemblée nationale au moment du vote. Parmi les 85 députés du groupe pouvant siéger, 40 assistaient aux débats et, sur ce total, 30 ont voté contre le texte. L’absence d’un front uni de la majorité a facilité la manœuvre du RN.

La gauche s’est insurgée, rappelant que le même Gabriel Attal avait, en janvier, évoqué la remise en cause de l’accord franco‑algérien. Mais la protestation a été jugée moins convaincante par certains observateurs, car la gauche n’a pas réussi à mobiliser l’ensemble de ses forces pour contrer l’initiative. Des voix ont manqué dans plusieurs formations de gauche, y compris à La France insoumise, qui a qualifié le texte de « raciste ».

Ce double constat — désunion de la majorité et mobilisation imperfectible de la gauche — explique en grande partie le succès parlementaire du RN, même si ce succès demeure limité au symbole et au message politique plutôt qu’à un changement juridique immédiat.

Conséquences politiques et risques de normalisation

Les responsables politiques opposés au RN ont analysé cet épisode comme un « accident » politique évitable. La manœuvre de Marine Le Pen, organisée dans le cadre d’une niche parlementaire permettant au RN de déposer et défendre huit textes en une journée, visait précisément à piéger les autres groupes et à tirer parti de leurs éventuelles défaillances.

Ce coup d’éclat renforce la thèse selon laquelle le RN profite davantage des faiblesses de ses adversaires que d’une montée soudaine de sa propre force électorale. Il marque néanmoins un nouveau jalon dans la banalisation de ce parti au sein des institutions: l’adoption d’un texte, même non contraignant, dans l’hémicycle, contribue à déplacer le cadre du débat public.

Au‑delà du résultat du jeudi 30 octobre, la lecture politique est donc claire pour beaucoup d’observateurs: la question migratoire divise de plus en plus la société française, les barrières séparant une partie de la droite du RN s’érodent, et la vigilance des autres forces républicaines reste déterminante pour empêcher une progression supplémentaire de la normalisation du parti d’extrême droite.

Parlons Politique

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