Une proposition de rencontre qui ravive les divisions
Éric Ciotti, président de l’Union des droites pour la République (UDR), a récemment proposé à son homologue chez Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, une rencontre en vue d’étudier la possible adhésion de LR à une alliance plus large avec le Rassemblement national (RN). Cette initiative relance un débat ancien au sein de la droite française : faut‑il rapprocher les forces conservatrices traditionnelles du RN, ou préserver une démarcation nette avec l’extrême droite ?
La proposition de Ciotti intervient dans un contexte de recomposition politique à droite. Pour ses partisans, un accord élargi permettrait de rassembler des électeurs de sensibilité identique et de maximiser les chances électorales. Pour ses détracteurs, en revanche, il s’agit d’un mouvement qui menace l’identité et l’autonomie des formations gaullistes et libérales qui composent la famille politique de droite.
Des voix internes qui s’élèvent
Parmi les critiques, Antoine Vermorel‑Marques, vice‑président du parti et du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée nationale, a exprimé une opposition nette à tout rapprochement. Le jeune élu, âgé de 32 ans, a appelé son mouvement à « réaffirmer ses différences avec l’extrême droite » et à refuser ce qu’il décrit comme une dilution de la droite historique.
Dans des propos cités au cours d’un échange public, il a déclaré : « Je veux défendre une droite indépendante et non pas une droite qui serait la sous‑traitante d’Éric Ciotti ou de Marine Le Pen. Nous avons trop de différences avec eux, mais aussi trop de force pour aller se brader à un parti qui a toujours été notre adversaire politique. »
Il a poursuivi en rappelant un diagnostic historique de la relation entre la droite républicaine et le RN : « Le Front national puis le RN ont toujours eu la volonté de nous cannibaliser. Ce n’est pas une union des droites, c’est une absorption de la droite gaulliste dans l’extrême droite. » Ces formules résument l’inquiétude d’une partie des cadres et députés de droite, qui craignent de perdre leur ligne programmatique et leur électorat traditionnel.
Enjeux et points de rupture
La controverse porte sur plusieurs plans. D’abord, sur l’identité politique : certains élus estiment que des valeurs et des pratiques fondamentales différencient la droite républicaine du RN, au‑delà des convergences ponctuelles sur certaines politiques. Ensuite, sur le plan électoral : l’alliance est présentée par ses promoteurs comme un moyen d’optimiser des résultats, mais ses opposants redoutent un coût en termes d’image et de crédibilité, notamment auprès d’électeurs modérés.
La question du leadership et des équilibres internes est également au cœur du débat. Une orientation vers une alliance avec le RN supposerait des compromis stratégiques et des arbitrages sur les circonscriptions, les investitures et la conduite de campagnes communes. À l’inverse, la résistance interne vise à préserver l’autonomie programmatique et organisationnelle de la droite républicaine.
Perspectives pour la droite républicaine
Si les propos d’Antoine Vermorel‑Marques illustrent la fermeté d’une partie du camp républicain, ils ne signifient pas l’unanimité. La droite française demeure pluraliste : elle comprend des élus prêts à explorer des alliances pour des enjeux électoraux précis, et d’autres déterminés à maintenir une distance institutionnelle et idéologique avec le RN.
Le débat devrait se poursuivre au sein des instances et dans l’espace public. Les décisions prises par les dirigeants — qu’il s’agisse d’une rencontre entre Ciotti et Retailleau ou d’autres arbitrages — auront des conséquences directes sur la stratégie électorale et sur la capacité des différentes familles de la droite à se recomposer.
En attendant, la position exprimée par Antoine Vermorel‑Marques invite LR et ses partenaires à clarifier leur vision : souhaiteraient‑ils rester une droite « indépendante », selon ses termes, ou envisager une stratégie d’alliance plus large malgré les réticences ? Les prochains rendez‑vous politiques et congrès internes pourraient donner des éléments de réponse, sans pour autant dissiper immédiatement les divergences de fond.