Le Sénat s’est opposé, lundi 24 novembre, à la limitation de la durée des arrêts de travail proposée par le gouvernement dans le cadre du projet de budget de la Sécurité sociale. Les sénateurs ont en outre voté pour interdire tout renouvellement d’un arrêt de travail par télémédecine, une mesure qui a suscité l’opposition de l’exécutif.
Un rejet motivé par l’accès aux soins et la liberté de prescription
La sénatrice Les Républicains Corinne Imbert a fait valoir que plafonner la durée des arrêts « mobiliserait plusieurs centaines de milliers d’heures de consultation dans un contexte d’accès aux soins déjà fragilisé ». Défenseur de la « liberté de prescription » des médecins, elle a fait adopter un amendement au budget de la Sécurité sociale pour s’opposer au plafonnement proposé par l’exécutif.
L’argument avancé par les opposants à la limitation met en avant le risque d’alourdir la charge des consultations de ville. Selon la position des sénateurs hostiles, imposer des durées standardisées obligerait les patients à revenir plus fréquemment pour des prolongations, alors même que l’accès aux médecins reste tendu.
Propositions gouvernementales et divergences entre chambres
Le gouvernement proposait que la durée d’un premier arrêt soit fixée par décret : quinze jours lorsqu’il est prescrit par un médecin de ville et trente jours lorsqu’il est établi à l’hôpital. À l’Assemblée nationale, les députés avaient, pour leur part, souhaité inscrire un plafond directement dans la loi, en le fixant à trente jours dans les deux cas.
L’initiative de l’exécutif s’inscrit dans un contexte de hausse des dépenses liées aux arrêts de travail. Ces dépenses représentent 11 milliards d’euros en 2024, et auraient connu une augmentation moyenne de 6 % par an au cours des cinq dernières années, selon les chiffres cités lors des débats.
La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a regretté le choix des sénateurs. Elle a affirmé : « On peut quand même se dire entre nous qu’au bout d’un mois on peut revoir le patient qui est en arrêt maladie. Ça ne paraît pas très choquant de demander au patient de revenir dans le cadre de son suivi ». Cette déclaration souligne la volonté de l’exécutif de mieux encadrer les renouvellements pour maîtriser les dépenses.
En revanche, la sénatrice Raymonde Poncet Monge (Les Écologistes) a alerté sur les effets sociaux d’une telle limitation : « Limiter la durée des arrêts de travail n’aura pour effet que d’augmenter le non-recours et le présentéisme forcé », a-t-elle redouté. Son propos insiste sur le risque que des patients évitent de faire valoir leurs droits ou retournent prématurément au travail.
Débat et vote sur la télémédecine
Parallèlement, les sénateurs ont adopté un amendement interdisant tout renouvellement d’un arrêt de travail prononcé par une téléconsultation. Le gouvernement s’est opposé à cette mesure, estimant qu’elle pourrait être inconstitutionnelle. La loi en vigueur prévoit déjà de limiter à trois jours la durée d’un arrêt prescrit via la télémédecine.
La décision sénatoriale marque une volonté d’encadrer strictement l’usage de la téléconsultation pour les arrêts de travail, au nom de la qualité du suivi médical. Les partisans de l’interdiction estiment que les consultations à distance ne sauraient se substituer à un examen en présentiel pour des prolongations d’arrêt, tandis que l’exécutif met en garde contre des restrictions pouvant réduire l’accès aux soins, notamment en zones reculées.
Suite du processus législatif
Ces votes du Sénat ne sont pas définitifs. Les débats sur le budget de la Sécurité sociale vont se poursuivre entre l’Assemblée nationale et le Sénat. La navette parlementaire devrait permettre aux deux chambres de négocier les dispositions contestées, notamment le plafonnement des durées d’arrêt et les règles concernant la télémédecine.
Jusqu’à l’issue de ces échanges, les mesures adoptées par les sénateurs restent susceptibles d’être remaniées ou annulées. Les positions exprimées lors des débats, tant par l’exécutif que par les parlementaires, portent toutefois la discussion sur deux enjeux centraux : la maîtrise des dépenses liées aux arrêts de travail et la préservation d’un accès effectif aux soins.





