L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 11 décembre, par 269 voix pour et zéro contre, une proposition de loi visant à garantir la représentation juridique de chaque enfant placé sous une mesure d’assistance éducative. Le texte, examiné en première lecture lors d’une journée réservée aux propositions du groupe socialiste, devra maintenant être inscrit à l’ordre du jour du Sénat pour poursuivre son examen parlementaire.
Garantir une voix à l’enfant placé
La proposition vise à ce qu’un avocat, indépendant des familles et des services de l’aide sociale à l’enfance, soit systématiquement accessible aux enfants placés en famille d’accueil, en foyer ou suivis à domicile par des services sociaux. Selon la députée socialiste porteuse du texte, Ayda Hadizadeh, ces enfants « grandissent avec l’idée qu’ils ne comptent pour personne et qu’ils ne peuvent compter sur personne ». L’avocat doit pouvoir « faire entendre la voix » de l’enfant et « s’assurer que des violences n’adviennent pas » lorsque le juge ordonne un placement, sans se substituer au rôle de ce dernier.
La rapporteure a résumé la complémentarité des rôles par une image : « Le juge, c’est le phare dans la nuit. L’avocat, c’est la veilleuse que l’enfant allume le soir quand il a peur du noir. Il peut l’appeler, il peut se rassurer ». Ce point a été mis en lumière dans un contexte d’émotion publique après la diffusion d’une vidéo montrant un enfant tondu dans un foyer d’enfants placés à Paris, événement qui a relancé le débat sur la protection et la surveillance des structures d’accueil.
Cadre juridique actuel et soutien ministériel
Aujourd’hui, la désignation d’un avocat par le juge n’est possible que « lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige » et si l’enfant est « capable de discernement ». La nouveauté du texte socialiste est d’étendre cette garantie et d’instituer une présence légale systématique pour les enfants concernés par une mesure d’assistance éducative.
L’initiative a obtenu le soutien du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et avait déjà été adoptée en commission la semaine précédente, appuyée par la majorité des groupes parlementaires. Le vote unanime de l’Assemblée nationale illustre l’accord sur la nécessité d’améliorer la protection juridique des mineurs placés, même si la mise en œuvre opérationnelle devra être détaillée au Sénat et affiner les modalités pratiques.
Mesures parallèles sur la protection des mineurs
Dans la même journée, une autre proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour. Elle vise à garantir que les mineurs présumés majeurs conservent l’accès aux services de protection de l’enfance pendant la durée d’un recours relatif à leur âge. Le texte répond à des situations où, « aujourd’hui en France, des enfants et des adolescents dorment seuls à la rue » pendant l’examen de ces recours, et où une « part importante » d’entre eux sont finalement reconnus mineurs, selon le député socialiste et ancien candidat à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire.
En commission, Emmanuel Grégoire a martelé la nécessité d’instaurer « une présomption de minorité ». Son texte avait toutefois été rejeté en commission ; il devrait de nouveau être débattu en séance, où il pourra susciter des oppositions liées aux critères d’identification et à l’organisation des structures d’accueil pendant les procédures.
L’encadrement des loyers au cœur de la niche socialiste
La niche socialiste comporte également une proposition de loi portée par Iñaki Echaniz visant à pérenniser l’encadrement des loyers. Actuellement expérimenté dans 72 collectivités, le dispositif est prévu pour prendre fin en novembre 2026 ; la proposition propose sa prolongation et son extension aux communes « tendues » ainsi qu’aux communes limitrophes dans la même intercommunalité.
Le texte prévoit plusieurs mesures concrètes : limiter les compléments de loyer à 20 % du loyer maximal, encadrer les montants par mètre carré pour les surfaces annexes (caves, balcons), doubler le montant maximal des amendes pour les propriétaires en infraction et allonger le délai pendant lequel un locataire peut contester un complément de loyer.
Dans un rapport publié en septembre, Iñaki Echaniz et la députée Annaïg Le Meur (Renaissance), chargés d’une mission d’information parlementaire, estiment que « le dispositif fonctionnait et méritait d’être poursuivi ». Ils jugent qu’il « n’était pas la cause de la baisse générale de l’offre locative » et rappellent que l’encadrement « n’avait pas pour but de faire baisser les loyers », mais d’accompagner leur hausse afin « d’éviter les loyers excessifs ».
Sur le plan politique, le ministre de la Ville et du Logement, Vincent Jeanbrun, a indiqué lors du congrès de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) qu’il ne soutiendrait pas ce texte, préférant attendre « une étude en cours, confiée à des économistes ». À Paris, la mairie se dit favorable : Barbara Gomes, cheffe de la mission encadrement des loyers, affirme que la municipalité « est très enthousiaste à l’idée de cette pérennisation ». Elle cite une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) selon laquelle le loyer moyen observé à Paris entre juillet 2023 et juin 2024 était inférieur de 8,2 % à ce qu’il aurait été sans encadrement, soit une économie moyenne de 1 694 euros par an pour les locataires.
Enfin, les fédérations de propriétaires et les professionnels de l’immobilier s’opposent au projet, estimant qu’il pénaliserait les propriétaires et réduirait l’offre locative, tandis que les associations de défense des locataires plaident pour la pérennisation et le renforcement du dispositif afin de protéger le pouvoir d’achat des locataires.





