Assemblée nationale : loi unanime pour réhabiliter les condamnés pour homosexualité, reconnaissance de la discrimination d’État et indemnisation (10 000 € + 150 €/jour)

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L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de loi reconnaissant la politique discriminatoire de l’État à l’égard des personnes homosexuelles (1942–1982) et prévoyant réhabilitation et indemnisation — 10 000 € + 150 €/jour de privation de liberté pour les personnes incarcérées. Le texte, à forte portée symbolique, doit encore être harmonisé avec le Sénat en commission mixte paritaire qui tranchera la période couverte et le volet indemnitaire.

L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, jeudi 18 décembre, une proposition de loi visant à réhabiliter les personnes condamnées en France en raison de leur homosexualité. Le texte fixe la reconnaissance d’une politique discriminatoire d’État et prévoit un volet indemnitaire qui divise députés et sénateurs. Il doit désormais faire l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire entre les deux chambres.

Ce que prévoit la proposition de loi

Le texte adopté établit que la France reconnaîtra officiellement sa « politique discriminatoire à l’encontre des personnes homosexuelles » pour la période 1942–1982, et vise à réparer, par voie législative, les condamnations prononcées à cette époque.

La proposition prévoit deux mesures principales : la réhabilitation des personnes condamnées et le versement d’une indemnité. L’allocation envisagée s’élève à 10 000 euros, complétée par 150 euros par jour de privation de liberté, pour les personnes ayant purgé une peine.

Le texte porte aussi sur des condamnations prononcées en vertu d’un article du code pénal qui fixait un âge de consentement différencié pour les relations homosexuelles — 21 ans contre 15 ans pour les relations hétérosexuelles — ainsi que sur des poursuites motivées par l’« outrage public à la pudeur » lorsqu’il était retenu pour des relations entre personnes du même sexe.

Désaccords entre l’Assemblée et le Sénat

En première et deuxième lecture, le Sénat a modifié la portée chronologique et le volet indemnitaire du texte. Les sénateurs ont fait démarrer la période couverte en 1945 plutôt qu’en 1942, estimant que la République ne devait pas présenter d’excuses pour les mesures prises sous le régime de Vichy. Ils ont également supprimé la disposition indemnitaires.

L’Assemblée a rétabli le texte dans sa version initiale, celle déposée par le sénateur socialiste Hussein Bourgi, et maintient l’ouverture d’une réparation financière symbolique et matérielle. Pour trouver une version commune, une commission mixte paritaire — composée de sept députés et sept sénateurs — sera réunie « dans les délais les plus rapides », a déclaré la ministre déléguée chargée de l’égalité femmes‑hommes, Aurore Bergé, depuis l’hémicycle.

Arguments et portée symbolique

« L’histoire qui nous rassemble aujourd’hui, c’est l’histoire de ceux dont le seul délit était d’aimer », a affirmé Aurore Bergé. Pour la ministre, il s’agit de reconnaître une responsabilité d’État : « L’homophobie a été une politique. Cette responsabilité ne peut être ni esquivée ni diluée. Elle doit être dite pleinement. »

Le rapporteur du texte à l’Assemblée, le député socialiste Hervé Saulignac, a souligné le lien entre reconnaissance et réparation : « Reconnaître un préjudice suppose de le réparer, l’un ne va pas sans l’autre, c’est nécessaire d’un point de vue symbolique », a‑t‑il expliqué à l’Agence France‑Presse (AFP).

Sur la question de la période couverte, Hervé Saulignac estime « logique » de faire démarrer la reconnaissance en 1942, rappelant que la loi instituant cet âge de consentement spécifique a été réaffirmée par la République en 1945.

Chiffres et conséquences pratiques

Selon Régis Schlagdenhauffen, maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), environ 10 000 condamnations ont été prononcées au titre de l’article instituant un âge de consentement spécifique, et environ 40 000 condamnations l’ont été au motif d’« outrage public à la pudeur » qualifié de « homosexuel » à l’époque.

La plupart des personnes concernées étaient des hommes, sanctionnés par des amendes ou des peines de prison. Beaucoup sont aujourd’hui décédées ; d’autres sont âgées. Cet état de fait laisse entendre que le nombre de demandes individuelles d’indemnisation pourrait rester limité.

Le texte précise encore que d’autres textes législatifs de l’époque ont permis de réprimer des personnes homosexuelles sans que l’homosexualité soit, en tant que telle, un délit formel.

Étapes à venir

La convocation rapide de la commission mixte paritaire déterminera les éléments sur lesquels députés et sénateurs trouveront un accord, en particulier la période couverte et le principe d’indemnisation. Si la commission n’aboutit pas à un compromis, le projet pourra revenir en nouvelle lecture dans l’une des deux chambres, conformément aux procédures législatives.

La mesure a une dimension à la fois juridique et symbolique : elle vise à reconnaître et à réparer des décisions pénales anciennes motivées par des critères aujourd’hui considérés comme discriminatoires. La suite du parcours parlementaire précisera la portée effective des réparations et les bénéficiaires potentiels.

Parlons Politique

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