Une proposition de loi présentée au Sénat jeudi 18 décembre par Monique de Marco, vice‑présidente de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, propose d’ouvrir l’assurance‑chômage à l’ensemble des artistes‑auteurs.
Par « artistes‑auteurs », le texte vise notamment les écrivains, traducteurs, scénaristes, plasticiens, photographes, mais aussi des professions comme les commissaires d’exposition ou les critiques d’art, qui n’ont pas accès au régime des intermittents du spectacle.
Un régime jugé inadapté pour certaines professions
Les personnes visées par la proposition exercent des métiers variés et participent à la vitalité des secteurs de la création : art contemporain, musique, cinéma, édition ou design. Leur rémunération dépend majoritairement de l’exploitation des œuvres ou des commandes reçues, et non d’un salaire régulier. Cette réalité crée des périodes sans ressources pendant lesquelles la recherche, la conception et la production s’étalent sur le long terme.
À la différence des intermittents du spectacle, dont le régime tient compte d’une alternance entre périodes d’emploi et d’inactivité, de nombreux artistes‑auteurs demeurent exclus d’un filet de sécurité comparable. La proposition de loi entend donc combler ce décalage en proposant l’accès à l’assurance‑chômage pour des catégories aujourd’hui non couvertes.
Motivations et cadre européen
L’initiative apparaÎt également comme une réponse aux préoccupations exprimées au niveau européen. Le Parlement européen, dès 2023, avait rappelé que les artistes, comme les autres travailleurs, doivent pouvoir bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’allocations‑chômage. Cette recommandation a servi de référence politique pour justifier la nécessité d’un régime plus protecteur pour des professions de la création souvent précaires.
La proposition sénatoriale s’inscrit donc dans un double objectif : améliorer la protection sociale des artistes‑auteurs et rapprocher la politique nationale des orientations européennes formulées en 2023. Le texte présenté par Monique de Marco se veut une réponse aux lacunes perçues dans la couverture sociale de ces catégories professionnelles.
La question centrale reste la manière dont seront définis les critères d’éligibilité, les modalités de calcul des droits et la compatibilité administrative avec les régimes existants. Ces éléments sont déterminants pour mesurer l’impact concret sur les revenus et le parcours professionnel des intéressés.
Enjeux pratiques et débats attendus
Si la mesure venait à être adoptée, elle soulèverait plusieurs enjeux pratiques. D’abord, la prise en compte des périodes de création non rémunérée pour l’ouverture de droits demandera des règles précises. Ensuite, l’équilibre financier du système d’assurance‑chômage devra être évalué en tenant compte de profils professionnels très hétérogènes.
Sur le plan symbolique, l’ouverture d’un droit au chômage pour les artistes‑auteurs constituerait une reconnaissance du travail artistique comme activité économique et sociale à part entière, au même titre que d’autres professions salariées. Sur le plan opérationnel, elle impliquera des ajustements administratifs pour intégrer des revenus parfois irréguliers et liés à l’exploitation d’œuvres.
Des voix pourront s’interroger sur la frontière entre statut d’auteur et statut d’intermittent, ou sur l’articulation avec d’autres dispositifs sociaux déjà en place. Ces débats sont susceptibles d’apparaître lors de l’examen parlementaire et dans la concertation avec les professionnels concernés.
La proposition déposée au Sénat ne garantit pas d’effet immédiat : elle ouvre une étape législative. Le calendrier, les amendements et les discussions en commission détermineront ensuite la portée finale de la réforme proposée.
En l’état, la démarche traduit néanmoins une volonté politique de mieux protéger des acteurs de la création qui déclarent souvent des revenus fluctuants et des périodes de travail non rémunéré, notamment durant les phases de recherche et de production artistique.
La suite du processus législatif précisera les contours de l’initiative et la façon dont elle pourrait transformer le paysage social des métiers de la création.





