Un amendement pour favoriser le recyclage lors de l’examen du budget
C’est décidé : lorsque le budget sera discuté au Sénat « dans les prochaines semaines », Vanina Paoli‑Gagin présentera un amendement destiné à favoriser le recyclage. Sénatrice de l’Aube, avocate de profession et affiliée au groupe Les Indépendants, elle estime qu’un traitement fiscal différencié est nécessaire pour orienter les pratiques de consommation et de réparation.
« C’est un non‑sens qu’un frigo recyclé soit soumis à la même TVA qu’un frigo neuf », plaide la parlementaire. Elle annonce qu’elle demandera « un taux réduit pour les biens recyclés ». Interrogée sur la cohérence politique, elle ajoute : « Puisque nous avons adopté un rapport appelant à repenser la croissance, il faut le traduire en actes. »
Du vocabulaire écologiste au cœur d’un rapport sénatorial
Les termes « recyclage », « économie circulaire », « post‑croissance », « solvabilité planétaire », « agroécologie » et « communautés locales résilientes » apparaissent en bonne place dans le discours qui accompagne cette initiative. Habituels à gauche et chez les écologistes, ces mots sont, selon le texte, également présents dans un rapport parlementaire issu de la droite sénatoriale.
Ce rapport, consacré aux « valeurs » en matière économique « à l’horizon 2050 », est signé par trois sénateurs de droite. Il a été adopté à l’unanimité en octobre par la délégation à la prospective. Le document intègre donc une réflexion prospective où apparaissent des notions longtemps associées à la critique du productivisme.
Une droite « qui se projette » selon un expert
Pour le philosophe Jérôme Batout, auditionné comme expert, le rapport illustre une évolution : « Loin des plateaux télévisés, ce texte montre ce que pourrait donner une droite moderne, ouverte, attentive aux basculements en cours, et qui se projette dans le futur. » Cette appréciation souligne que des préoccupations environnementales et de long terme traversent désormais des familles politiques opposées sur d’autres sujets.
La présence, dans un texte de droite, de notions telles que la « solvabilité planétaire » ou la « post‑croissance » interroge la porosité des frontières idéologiques. Elle suggère aussi que des diagnostics partagés sur les limites écologiques et les transformations économiques peuvent déboucher sur des propositions concrètes, comme la modulation de la TVA évoquée par Mme Paoli‑Gagin.
Un passage de la parole aux actes ?
La proposition d’amendement soulève plusieurs questions pratiques et politiques. Sur le plan technique, la réduction de la TVA pour des biens « recyclés » pose le défi de la définition légale et du contrôle : quels critères permettraient de distinguer un appareil réellement recyclé d’un appareil reconditionné partiellement ou vendu d’occasion ? Qui certifierait le processus ?
Sur le plan politique, l’initiative devra convaincre des majorités variées au Sénat et, le cas échéant, à l’Assemblée nationale. Mme Paoli‑Gagin fonde son intervention sur la cohérence avec le rapport adopté en octobre, mais la traduction d’orientations prospectives en mesures fiscales concrètes demande des arbitrages budgétaires et des évaluations d’impact.
La portée réelle de l’amendement dépendra aussi de son libellé, des exclusions éventuelles et de l’économie générale du budget. Réduire la TVA sur certains biens recyclés implique une moindre recette fiscale à court terme, mais les partisans du dispositif misent sur des bénéfices environnementaux et sociaux à plus long terme.
Vers une recomposition des discours ?
Qu’elle aboutisse ou non, cette initiative illustre une tension nouvelle : la convergence possible entre diagnostics écologiques et propositions économiques, toutes tendances confondues. Le fait que des mots jadis cantonnés à la gauche apparaissent dans un rapport signé par des sénateurs de droite témoigne d’une évolution du débat public.
Reste à voir si cette évolution produira des compromis durables ou des mesures ponctuelles. Pour l’heure, l’amendement annoncé par Vanina Paoli‑Gagin constitue un marqueur politique : il met la question du recyclage et de la fiscalité au centre des discussions budgétaires à venir, et traduit l’intention de transformer une réflexion prospective en interventions législatives concrètes.





