Pour la deuxième année consécutive, l’adoption du budget de l’État s’annonce délicate. Le scénario inédit observé en 2024, qui a conduit au vote de la loi de finances initiale début 2025, n’a pas de répétition automatique mais tous les éléments sont réunis pour que la procédure se complique à nouveau.
Un calendrier légal serré mais modulable
En théorie, le gouvernement doit, d’ici le 31 décembre, présenter le projet de loi de finances puis le faire voter par le Parlement afin d’assurer le fonctionnement de l’État et des administrations à compter du 1er janvier. À défaut, les services publics pourraient être incapables de rémunérer les agents, de payer les factures ou de prélever l’impôt. Une telle paralysie n’est jamais survenue sous la Ve République.
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF), souvent qualifiée de « Constitution financière » de l’État, fixe des jalons stricts. Concrètement, un gouvernement fraîchement nommé dispose d’un délai juridique pour déposer son projet de loi de finances : théoriquement jusqu’au 7 octobre pour que les chambres disposent ensuite des soixante‑dix jours constitutionnels d’examen. Avant le dépôt, le projet doit être soumis pour avis au Haut Conseil des finances publiques et au Conseil d’État.
Pourtant, l’expérience récente montre que ces échéances formelles peuvent présenter une marge de manœuvre pratique. Comme le soulignent les universitaires Aurélien Baudu (université de Lille) et Xavier Cabannes (université Paris‑Cité), « le premier mardi d’octobre n’est pas une date “guillotine” ». Ils ajoutent que l’essentiel est que le Parlement bénéficie des soixante‑dix jours prévus et que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi, ait le temps d’exercer son contrôle avant le 30 décembre.
Trois scénarios pour l’adoption du budget 2026
Après la chute du gouvernement Bayrou, l’avenir de l’adoption du budget 2026 se dessine autour de trois grandes possibilités, déjà évoquées publiquement et implicitement par les acteurs institutionnels.
Le premier scénario consiste en la nomination rapide d’un gouvernement capable de respecter le calendrier légal. Dans ce cas, le nouvel exécutif déposerait son projet avant la date butoir pratique, permettant au Parlement d’examiner et de voter le texte dans les délais constitutionnels et aux juridictions administratives et constitutionnelles d’accomplir leurs contrôles.
Le deuxième scénario renverrait à une répétition des difficultés observées l’an passé : dépôt tardif, examen parlementaire contraint et recours à des solutions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics. Le texte initial de 2024 avait abouti à une situation inédite, le vote de la loi de finances initiale intervenant seulement début 2025, ce qui illustre la capacité du système à se réorganiser mais aussi ses fragilités.
Le troisième scénario, plus conjectural, verrait une incapacité à voter un budget en bonne et due forme avant le 1er janvier, ouvrant la porte à des mécanismes transitoires ou à des improvisations législatives. Ce cas de figure reste, selon le droit en vigueur et le retentissement historique, hautement inédit et porteur de risques opérationnels et économiques.
Enjeux économiques et politiques
Au‑delà du simple fonctionnement administratif, le budget porte des enjeux macroéconomiques importants. Il sert à rassurer les partenaires européens et à contenir l’inquiétude des marchés financiers quant à la trajectoire de la dette publique. Des difficultés prolongées dans l’adoption du budget peuvent donc alimenter l’incertitude sur la capacité de la France à tenir ses engagements budgétaires.
Sur le plan politique, la manière dont le gouvernement gérera cette échéance sera perçue comme un test de gouvernance. Une entrée en fonction rapide et organisée permettrait de restaurer la confiance. À l’inverse, des blocages répétés alimenteraient le débat public sur la stabilité institutionnelle et la conduite des politiques publiques.
Les déclarations d’universitaires et d’observateurs juridiques rappellent toutefois que la loi prévoit des marges opérationnelles. L’importance, pour les institutions, est de ménager le temps nécessaire à l’examen parlementaire et aux contrôles juridictionnels afin d’éviter une rupture dans la continuité des services publics.
Au final, l’adoption du budget 2026 dépendra autant de la rapidité de formation du gouvernement que de la capacité des majorités parlementaires à travailler dans des délais contraints. Les prochaines semaines seront donc déterminantes pour savoir si la France répètera le chemin accidenté vécu en 2024 ou retrouvera une trajectoire budgétaire plus conforme aux calendriers légaux.