Dans la nuit de mercredi 22 à jeudi 23 octobre, la commission des finances de l’Assemblée nationale a rejeté la partie recettes du projet de loi de finances de l’État. La gauche et l’extrême droite ont voté contre, de même que Les Républicains (LR). Les députés MoDem, Horizons et LIOT se sont abstenus ; seuls les députés Renaissance ont voté pour le texte.
Onze députés ont voté pour, 37 contre, les autres s’étant abstenus. La commission avait entamé l’examen de cette première partie du budget dès lundi. Les rapporteurs ont salué des débats qu’ils ont qualifiés de « qualité » et qui ont mobilisé fortement les groupes politiques.
Conséquences et calendrier parlementaire
Le texte issu des travaux en commission servira de base à l’examen en hémicycle, qui doit débuter vendredi, en repartant de la copie initiale du gouvernement. Les débats en séance permettront surtout de mesurer les rapports de force et d’envisager des compromis. Un vote solennel est prévu le 4 novembre.
« Le compte n’y est pas ce soir », a déclaré Philippe Brun, chef de file du Parti socialiste (PS), à l’issue du vote en commission, vers 2 heures du matin. Le PS juge insuffisantes les recettes retenues et estime le texte « déséquilibré » quant à l’effort demandé aux classes moyennes et populaires. Le parti rappelle également qu’il reste une clé pour éviter une motion de censure du gouvernement.
Positions des groupes et points de tension
LR, dont plusieurs ministres sont issus, a pris ses distances. Laurent Wauquiez avait prévenu que le vote ne serait pas « automatique ». Jean-Didier Berger (LR) a affirmé : « Dans l’attente d’avoir un budget un peu plus votable, nous voterons contre cette copie. »
Philippe Juvin, rapporteur général du budget et député LR, s’est abstenu, évoquant « de grandes incertitudes » et « un certain nombre d’impasses ». Il a chiffré la réduction nette de la pression fiscale, après examen en commission, à 7 milliards d’euros, résultat d’une baisse des recettes de 13 milliards compensée par 6,3 milliards de nouvelles recettes. Selon lui, cela obligerait à diminuer les dépenses pour ne pas dégrader l’objectif de déficit fixé à 4,7 %.
Juvin a également souligné la suppression par les députés de plusieurs « gros articles », notamment un article relatif aux transferts du budget de l’État vers les collectivités territoriales.
De son côté, Éric Coquerel, président de la commission des finances (LFI), avait qualifié en conférence de presse le texte de « budget Frankenstein », estimant que « à la fin personne ne se reconnaîtra » et prédisant qu’il serait « battu » en hémicycle. Un député Horizons a toutefois déclaré croire possible un assouplissement des positions : « En commission chacun a mis en avant ses idées, et je crois savoir qu’on va tous être plus raisonnables en séance. »
Mesures débattues et décisions prises en commission
La gauche a échoué à faire adopter la taxe dite « Zucman », visant un impôt minimum de 2 % pour les contribuables détenant au moins 100 millions d’euros de patrimoine, y compris professionnel. La tentative de rétablir un impôt sur la fortune n’a pas non plus abouti. La taxe Zucman avait pourtant pu être adoptée en première lecture en février, grâce à l’abstention du Rassemblement national (RN), qui s’y est fermement opposé cette fois-ci.
La gauche a toutefois obtenu des gains sur d’autres sujets. Les députés ont voté la suppression de la fiscalisation des indemnités journalières liées aux affections de longue durée, mesure soutenue également par LR et le RN.
Le gouvernement a subi des revers sur plusieurs dispositifs jugés coûteux pour les finances publiques si confirmés en séance. Les députés ont rejeté la suppression de l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités, une mesure chiffrée à 1,2 milliard d’euros par le rapporteur général. Ils ont aussi aménagé le gel du barème de l’impôt sur le revenu en excluant la première tranche, pour un coût évalué à 700 000 euros.
En recettes, la commission a adopté plusieurs mesures : la pérennisation de la « surtaxe tonnage » ciblant principalement l’armateur CMA‑CGM, une contribution exceptionnelle sur les « super‑dividendes », et une taxe sur les bénéfices des grandes entreprises technologiques — qualifiée de taxe « Gafam » — soutenue par Renaissance.
Les députés ont aussi voté des réductions de dépenses fiscales, dont un amendement de Christine Pirès‑Beaune (PS) modifiant le calcul du crédit d’impôt recherche (CIR), censé rapporter 960 millions d’euros.
Mercredi, au milieu d’un ensemble varié d’amendements, la commission a approuvé le verdissement des carburants pour le transport maritime, un relèvement de la TVA sur les produits de luxe à 33 %, et un texte LFI visant à encadrer les prix de l’électricité.
Les débats se sont tendus en soirée lorsqu’un amendement de Guillaume Kasbarian (Renaissance) a réduit de moitié l’exonération de taxe foncière pour les bailleurs sociaux. Claire Lejeune (LFI) l’a qualifié d’« honteux », estimant qu’il « met encore plus en difficulté » ces organismes.
Poursuite du calendrier : la Sécurité sociale en ligne de mire
Les députés commenceront lundi l’examen en commission des affaires sociales du budget de la Sécurité sociale. Ce projet contiendra d’emblée la suspension demandée par le PS de la réforme des retraites pour les années 2026 et 2027.
Le gouvernement prévoit de mobiliser les complémentaires santé et les retraités pour contribuer au financement de cette suspension, selon les indications figurant dans les débats en commission.