La commission rejette la suppression de l’abattement pour les retraités
La commission des finances de l’Assemblée nationale a rejeté, mardi 21 octobre au matin, une disposition du projet de loi de finances (PLF) visant à remplacer l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions par un forfait de 2 000 euros. Cette mesure — présentée par le gouvernement comme une source d’économies — devait, selon les textes, réduire légèrement l’impôt pour certains retraités modestes tout en l’augmentant pour d’autres.
Lors de la séance en commission, la proposition a suscité une forte opposition transpartisane. La majorité des groupes ont voté contre la suppression de l’abattement : La France insoumise (LFI), le Rassemblement national, le Parti socialiste et Les Républicains (LR) se sont opposés à la réforme. Le vote en commission devra encore être confirmé ou infirmé par l’Hémicycle, où l’examen du PLF doit commencer à partir de vendredi.
Arguments des députés et tensions politiques
Plusieurs interventions ont souligné le caractère sensible de la mesure pour une catégorie jugée vulnérable électoralement. Le député Corentin Le Fur (LR) a dénoncé « l’acharnement » contre les retraités, rappelant qu’ils sont déjà fortement sollicités par d’autres éléments du budget, notamment le gel des pensions prévu dans le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS), dont l’examen en commission débute jeudi.
Claire Lejeune (LFI) a qualifié le projet d’« indignité d’un budget » en estimant que, faute de taxer davantage les plus hauts revenus, l’exécutif compense en « allant taper sur les retraites ». Pour le socialiste Philippe Brun, l’opposition s’explique par un principe d’égalité devant l’impôt : les salariés bénéficient d’un abattement comparable sur leurs revenus imposables, et l’alignement proposé par le gouvernement a été jugé inéquitable.
Le rapporteur général du budget, Philippe Juvin (LR), a reconnu les limites de la réforme, notamment le fait qu’elle favoriserait davantage les couples de retraités que les retraités isolés. Il a toutefois rappelé le coût de l’abattement actuel : 10 % représenterait 5,3 milliards d’euros par an pour l’État, selon les évaluations reprises en commission.
Les députés écologistes se sont abstenus et ont annoncé qu’ils proposeront, comme M. Juvin, une réécriture du dispositif lors de l’examen en séance publique, visant à mieux protéger les retraités modestes. Seul à défendre ouvertement la suppression de l’abattement en commission, le député macroniste Guillaume Kasbarian a mis en avant, pour sa part, les autres avantages fiscaux dont disposeraient déjà les retraités et leur niveau d’épargne élevé en France. Il a dénoncé ce qu’il a qualifié d’attitude électoraliste de la classe politique « qui refuse de toucher au moindre sujet qui concerne les retraités ».
Autres mesures retoquées et calendrier parlementaire
Plus tôt dans la matinée, la commission avait également rejeté l’abrogation d’avantages fiscaux pour des biocarburants, citant en particulier le Superéthanol E85 et le B100 (biogazole à base de colza). Ces refus s’inscrivent dans des débats qui avancent rapidement, la commission étant sous la contrainte des délais constitutionnels.
Les discussions en commission se poursuivent jusqu’à mercredi soir et constituent une étape préparatoire avant l’examen du texte en séance publique, prévu à partir de vendredi en présence du Premier ministre, Sébastien Lecornu. À l’ouverture des débats dans l’Hémicycle, les députés partiront de la copie initiale du gouvernement, les amendements adoptés en commission devant être éventuellement confirmés ou modifiés par les votes en séance.
La controverse autour de l’abattement pour les retraités illustre la difficulté politique et technique d’équilibrer économies budgétaires et justice fiscale. Les arbitrages à venir, tant en commission qu’en séance publique, devraient préciser si le gouvernement maintiendra sa proposition ou proposera une nouvelle écriture destinée à limiter les effets redistributifs défavorables signalés par plusieurs députés.