Tant pis pour la rigueur promise ces derniers mois : dans l’espoir de trouver in extremis un compromis politique pour faire adopter le budget, Sébastien Lecornu a annoncé un assouplissement notable de l’effort de maîtrise des finances publiques prévu pour 2026.
Sur le perron de l’Hôtel de Matignon, le premier ministre démissionnaire a déclaré, mercredi 8 octobre, que « La cible de déficit public doit être tenue en dessous de 5 % » dans le prochain budget, en précisant une fourchette « entre 4,7 % et 5 % ». Ces mots — « doit », « tenue », « en dessous » — traduisent une injonction ferme, mais le niveau visé marque un net adoucissement par rapport aux ambitions précédentes.
Un virage politique par rapport aux objectifs antérieurs
La déclaration de M. Lecornu intervient après des mois où la « rigueur » budgétaire avait été mise en avant par l’exécutif. À la mi-juillet, sous la responsabilité de François Bayrou alors premier ministre, le gouvernement avait envisagé une compression plus marquée du déficit : ramener en un an le déficit public de 5,4 % à 4,6 % du produit intérieur brut (PIB).
Ce plan visait, selon les termes alors utilisés, à faire de 2026 « l’année de l’effort maximal » afin d’atteindre un objectif ambitieux : faire passer le déficit sous la barre des 3 % en 2029 et, ce faisant, respecter les règles européennes et stabiliser la dette publique. La nouvelle annonce de M. Lecornu modifie donc l’angle d’attaque : l’objectif pour 2026 devient une cible « en dessous de 5 % », soit « entre 4,7 % et 5 % », ce qui équivaut à un relâchement des efforts envisagés quelques mois plus tôt.
Ce que signifient les chiffres cités
Le déficit public est ici exprimé en pourcentage du PIB, ce qui permet de mesurer l’écart entre les recettes et les dépenses publiques rapporté à la richesse nationale. Les pourcentages cités — 5,4 %, 4,6 %, 4,7 %–5 % et la barre de 3 % pour 2029 — fournissent une échelle claire des ambitions successives du gouvernement, et illustrent la trajectoire attendue vers une réduction progressive du déséquilibre public.
Concrètement, un objectif fixé « entre 4,7 % et 5 % » en 2026 implique que les marges de manœuvre pour réduire le déficit seront plus limitées que si l’on visait 4,6 % l’année suivante. La formulation retenue par M. Lecornu laisse une place plus grande au compromis politique, au prix d’un aplatissement de l’effort à court terme.
Enjeux politiques et économiques
La volonté affichée de trouver un consensus budgétaire traduit un arbitrage politique : privilégier l’adoption d’un budget susceptible de rassembler plutôt que d’imposer, coûte que coûte, un calendrier strict de réductions. Ce choix peut répondre à des contraintes parlementaires immédiates ou à la nécessité d’éviter des blocages institutionnels.
Sur le plan économique, l’ajustement des cibles pour 2026 peut influencer la trajectoire de la dette publique et la crédibilité de l’engagement à moyen terme. Dans les discours antérieurs, la réduction rapide du déficit avait été présentée comme une condition pour stabiliser la dette et se conformer aux normes européennes à l’horizon 2029. L’assouplissement annoncé n’efface pas cet horizon, mais il en modifie la vitesse et le calendrier.
Le relatif recul de l’objectif pour 2026 pose aussi la question des mesures concrètes qui seront retenues pour atteindre la fourchette désormais visée. Les arbitrages possibles — entre compressions de dépenses, hausse d’impôts, ou réaffectation de priorités budgétaires — restent, à ce stade, à déterminer et dépendront des négociations politiques en cours.
Une formulation ouverte à l’interprétation
La phrase rapportée — « La cible de déficit public doit être tenue en dessous de 5 % » et la précision « entre 4,7 % et 5 % » — associent une injonction catégorique et une marge opérationnelle. Cette construction linguistique laisse à la fois voir la volonté d’imposer une limite et la reconnaissance d’un besoin de flexibilité pour convaincre des partenaires politiques.
Sans nouveaux éléments chiffrés ni décisions précises rendues publiques au moment de cette déclaration, il est difficile de mesurer l’ampleur exacte de l’assouplissement budgétaire annoncé. Reste que la modification des ambitions pour 2026 illustre la tension permanente entre contraintes économiques et réalités politiques, et servira de référence lors des débats à venir sur le budget.
En l’état, la dynamique est claire : l’exécutif marque une inflexion vers une trajectoire moins contraignante pour 2026, tout en réaffirmant l’objectif à plus long terme — ramener le déficit vers des niveaux conformes aux attentes européennes à l’horizon précédemment indiqué.